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COLLOQUES


EROS LATIN


Shakespeare relu à la lumière de Pascal Quignard : l’éros latin de Coriolan

Sophie Chiari


Dans son dernier ouvrage, Les désarçonnés, Pascal Quignard écrit :

« La clandestinité linguistique (le nominalisme), la clandestinité intime (la sexualité secrète), la clandestinité territoriale (l’écart politique) s’ajoutent en forme d’exil, plutôt qu’en forme de monde, sur une terre où chacun d’entre nous surgit à l’état isolé »1.

Dans un monde où chacun est voué à être seul, l’écrivain fait de l’exil une fragile victoire et nomme sans le savoir toutes les clandestinités vécues par Coriolan, cet éternel désarçonné, dont l’éros est magnifié par Shakespeare dans sa pièce éponyme de 16082. En ce début de 17e siècle, le dramaturge repense en effet à la lointaine fondation de Rome qui repose sur une légende guerrière. Romulus et Remus, élevés par une louve, créent une nouvelle ville sur les bords du Tibre. Une lutte fratricide éclate entre les jumeaux au cours de laquelle Romulus tuera son propre frère. C’est avec ce duel en tête que Shakespeare, qui vient d’achever Antoine et Cléopâtre, écrit une autre tragédie sur l’éros latin, tragédie qu’il consacre au personnage de Coriolan en s’inspirant principalement des Vies de Plutarque traduites en anglais par Thomas North en 15793.

Le dramaturge réinvente une intrigue simple pour mieux dire la difficulté de l’être et du désir. Thomas Caius Martius, dit Coriolan, vit dans la douleur d’exister. Ce héros romain vient de remporter la bataille de Corioles contre le général Volsque Aufidius. Il perd néanmoins les l’élection au poste de consul parce qu’il refuse d’exhiber ses blessures à la plèbe et, après sa condamnation à l’exil, il quitte la ville, rempli de haine contre le peuple4. Fou d’orgueil, il se résout alors à demander de l’aide à son « meilleur » ennemi, le chef des Volsques, pour reprendre le pouvoir de sa cité et se venger. Il finira cependant par céder face aux femmes (sa mère et son épouse) quand elles viendront l’implorer d’épargner Rome. Ayant trahi Aufidius, il Coriolan acceptera enfin sa part d’humanité, voire de féminité5, et trouvera la mort foulé aux pieds par l’ennemi, cet Autre lui-même qu’il a combattu tout en l’adorant.

Quignard nous rappelle que « séparation en latin se dit sexus »6. Comment Coriolan parachève-t-il l’éros latin en devenant « unique » ou « désuni »7, autrement dit en se séparant par la mort de son double guerrier ? C’est à cette question que je tenterai de répondre, à la lumière, ou au clair-obscur, des observations faites par Pascal Quignard sur le mystère du désir et de sa part maudite.

1. Le corps du guerrier

Dans la Rome de Shakespeare stylisée à l’extrême, le corps du héros symbolise la ville tout entière. Aussi Corioles semble-t-elle se résumer à l’ennemi juré, Aufidius, et Rome à Coriolan. Mais qui est réellement Coriolan ? Dans cette tragédie, c’est un corps qui ne peut se concevoir sans l’autre8. Il se veut autre, et dès la première scène, rêve d’être celui qu’il compare à un « lion » (1.1.235), autrement dit Tullus Aufidius, l’ennemi qu’il est fier de combattre :

« I sin in envying his nobility,
And were I anything but what I am,
I would wish me only he. »

« Mon péché est d’envier sa noblesse,
Et si je n’étais pas qui je suis,
Je voudrais être lui. »
(1.1.217-19)

Coriolan, tenaillé par la culpabilité de n’être que ce qu’il est, exprime donc d’emblée le sentiment de fascination et le désir qui le lient à son adversaire. Or, « qu’est-ce que la fascination ? » demande Quignard dans La nuit sexuelle. « Soi devient l’autre »9. Pour Coriolan, au fond, la guerre est « une affaire personnelle »10. Il en va de même pour son adversaire qui lui fait parfaitement écho, puisqu’à la fin du premier acte, il avoue :

« I would I were a Roman, for I cannot,
Being a Volsce, be that I am. […] »

« Je voudrais être romain, car je ne peux,
Étant volsque, être ce que je suis. […] »
(1.10.4-5)

Tel Coriolan, Aufidius subit une crise identitaire sans précédent, et cette crise crée un lien quasi fraternel entre les deux ennemis.

Si Coriolan ne pense qu’à devenir autre, c’est aussi parce que, en dépit de son aspiration à l’idéal romain de la virtus qui rejette tout élément féminin, il n’y parvient jamais réellement. Selon Pascal Quignard,

« Virtus veut dire ‘capable de victoria’. Posséder la virtus, c’est avoir en soi la force redoutable, posséder le Genius victorieux. La virtus se prouve par l’invincibilité (la felicitas). L’empereur vertueux est l’empereur dominateur des fauves. C’est pourquoi il est voué à intensifier sa virtus, à multiplier la victoria dans les représentations de l’amphithéâtre, réassociant par là-même sa force (vis), son courage (fortitudo) et sa virilité sexuelle (fascinus). »

Coriolan est non seulement dans la pauvreté des mots, il est aussi dans la pauvreté sexuelle : il lui faut donc se défaire de sa pudeur pour acquérir la virilité sexuelle qui lui manque. Coriolan est dans la prédation et l’excitation, mais il ne va jamais jusqu’au bout de ses combats en refusant de les mettre en scène. Il lui est donc d’autant plus difficile d’atteindre la virilité sexuelle qu’il n’est lui-même qu’un corps ambigu, à mi-chemin entre féminin et masculin :

« […] In that day’s feats,
When he might act the woman in the scene,
He proved best man i’th’field, and for his meed
Was brow-bound with the oak. […] »

« […] En ce jour
Où il aurait pu jouer une femme sur la scène,
Il fut le meilleur sur le champ de bataille, et pour prix de ses exploits
Fut couronné de chêne. […] »
(2.2.92-95)

Alors que Shakespeare rappelle subrepticement l’importance des « boy actors » pour les rôles féminins de la Renaissance anglaise, il dresse aussi le portrait d’un homme tenté malgré lui par l’hermaphrodisme, capable à la fois d’incarner la virilité sur le champ de bataille, et d’incarner une femme sur scène. Chez lui, masculinité et féminité ne sont que des postures interchangeables. Pourtant, s’il valorise la première à outrance, il refuse de céder aux faiblesses de la féminité. Alors que, comme le veut la tradition, le peuple exige de voir les blessures de Coriolan que ce dernier érotise sans doute à l’excès en nommant « my nothings » (« mes riens », 2.2.74) — on sait en effet que le mot « nothing », chez Shakespeare, désigne explicitement le sexe de la femme — le guerrier jadis couvert du sang de ses victoires a l’impression de perdre son éclatante virilité s’il cède aux injonctions de la populace. D’être sans doute pénétré et castré par une masse anonyme qui veut le dominer11. Si, comme le souligne Quignard, « [l]e puritanisme définit ceux qui ne supportent pas la scène inmontrable et incessante »12, Coriolan est de ceux-là. Il est aussi de ceux qui pensent que le plaisir ne peut être pris qu’à la dérobée. Un instant pourtant, il semble renoncer à sa virilité pour plaire durablement à ses électeurs :

« Away, my disposition; and possess me
Some harlot’s spirit! […] »

« Arrière, ma nature; que me possède
L’esprit d’une putain ! […] »
(3.2.111-12)

Néanmoins, narcissique à l’extrême, trop épris de sa propre image, Coriolan se refuse finalement à dévoiler ses trophées de guerre. D’une certaine façon, il aiguise en ses électeurs l’appétit du voyeur, mais se garde bien de combler cet appétit.

Si le héros n’est donc pas un corps pénétré, il peut en revanche être vu comme un corps éclaté, signe d’une impossible harmonie. Ses blessures laissent deviner un corps troué et mutilé, loin de l’idéal du corps entier, du corps lisse symbole de la force tranquille. Certes, Cominius, dressant un portrait héroïque du guerrier valeureux, décrit un instant le héros de la tête aux pieds :

« [...] From face to foot,
He was a thing of blood, whose every motion
Was timed with dying cries. [...] »

« […] De pied en cap,
C’était une chose de sang, dont chaque mouvement
Etait scandé par des cris d’agonie. […] »
(2.2.105-107)

Néanmoins, ce bref portrait n’est qu’un raccourci, qui ne montre et ne décrit rien. Il est en outre gauchi par l’usage du mot « thing ». Le personnage-titre y apparaît en effet comme une « chose ensanglantée », un corps innommable, dépourvu humanité. Un corps à part, donc, qui jamais ne pourra se fondre dans la masse. Mais il y a pire. Au cours du troisième acte, Sicinius compare Coriolan à un pied gangrené qui doit être amputé :

« The service of the foot,
Being once gangrened, is not then respected
For what before it was. »

« Quand le pied
Est gangrené, on ne tient plus compte
Des services passés. »
(3.1.302-04)

Du corps du guerrier, le spectateur ne perçoit donc qu’une représentation dégradée et antihéroïque. Mais l’antihéros est lucide, et revendique sa propre fragmentation. Il porte en lui ses fissures et, progressivement, les assume. Preuve en est, le blason ironique qu’il offre de son propre corps lorsque, pressé par Volumnia d’accepter les exigences de la foule, il semble prêt à se prostituer symboliquement en se défaisant des signes de la maturité et de la masculinité13 :

« [...] My throat of war be turned,
Which choired with my drum, into a pipe
Small as an eunuch or the virgin voice
That babies lull asleep! The smiles of knaves
Tent in my cheeks, and schoolboys’ tears take up
The glasses of my sight! A beggar’s tongue
Make motion through my lips, and my armed knees,
Who bowed but in my stirrup, bend like his
That hath received an alms! […] »

« […] Que mon gosier guerrier,
Qui faisait chœur avec les tambours, devienne le fausset
Nasillard de l’eunuque ou la voix virginale
Qui berce et endort les bébés ! Que le sourire du fourbe
Campe sur mes joues, que des larmes d’écolier envahissent
La prunelle de mes yeux ! Que la langue du mendiant
Trouve son chemin à travers mes lèvres, et que mes genoux bardés de fer,
Qui n’ont jamais ployé qu’à l’étrier, fléchissent comme ceux
Du pauvre qui a reçu l’aumône ! […] »
(3.2.112-20)

La gorge, les joues, les lèvres, les genoux, sont autant de parties du corps qu’il faut appréhender. À travers ce contre-blason, c’est l’inavouable féminité de Coriolan qui transparaît (notamment à travers l’allusion à la prostituée, « harlot », à l’eunuque, « eunuch », et à la vierge, « virgin »), et ces vers font d’ailleurs écho aux paroles de Cominius lorsque ce dernier rappelle que le héros, dans sa jeunesse, avait lutté contre Tarquin, et que son menton imberbe évoquait alors le visage des Amazones (2.2.89). Coriolan n’échappe jamais à son ambivalence, et tout se charge de lui rappeler la force du féminin.

Mais, dans la pièce, le féminin est trop associé à la mère, Volumnia, cette louve qui dévorera son propre fils. Aussi Coriolan se détourne-t-il de son épouse afin de chercher ailleurs une confrontation physique qu’il estime être à sa portée. En témoigne sa représentation idéalisée du corps à corps comme duel chevaleresque14  ainsi que son goût pour la provocation lorsqu’il offre à Aufidius sa simple gorge, nouveau témoignage de ce corps morcelé et, à ce titre, infiniment désirable :

« [...] then, in a word, I also am
Longer to live most weary, and present
My throat to thee and thy ancient malice,
Which not to cut would show thee but a fool,
[...] »

« […] en un mot, moi aussi
Je suis las de vivre, et je t’offre
Ma gorge, à toi et à ton ancienne rancune ;
A ne pas la trancher tu te montrerais sot,
[…] »
(4.5.91-94)

Le corps éclaté du héros devient alors l’objet de fascination perverse pour son meilleur ennemi, et cette dissolution se parachève dans la mort puisque l’exigence de Coriolan se lit comme un refus de toute forme d’unité retrouvée : « Cut me to pieces, Volsces » (« Taillez-moi en pièces, Volsques », 5.5.110). Il en appelle de ce fait à une forme de sparagmos susceptible de le faire passer pour un bouc-émissaire, une victime sacrificielle vouée à souffrir pour apaiser le peuple15. Dans cette volonté d’en finir se dégage sans doute un plaisir masochiste. Mourir déchiqueté comme un chien, tel est l’ultime demande d’un personnage tragique, incapable de correspondre aux souhaits de la sphère publique.

2. La chair et la bonne chère

« Dans la fascination, être vu c’est être dévoré », écrit Quignard dans Sordidissimes16. Dans la pièce de Shakespeare, tout n’est que dégoût et dévoration. L’étrange rapport qui se noue entre Coriolan et son ennemi Aufidius est empreint d’attraction et de répulsion. Ce que les deux hommes aiment chez l’autre, c’est leur propre image. Ce qu’ils haïssent, c’est l’altérité radicale qui les dissocie. Entre ces deux guerriers, la haine n’est donc que l’endroit de l’amour, et leur relation pourrait bien se sceller par un repas cannibale. En effet, lorsque les serviteurs d’Aufidius évoquent les précédents exploits de Coriolan, ils le comparent à un guerrier cannibale susceptible de ne faire qu’une bouchée de leur maître :

« FIRST SERVINGMAN
[...] To say the truth on’t, before Corioles he scotched him and notched him like a carbonado.
SECOND SERVINGMAN
And he had been cannibally given, he might have broiled and eaten him too. »

« LE PREMIER SERVITEUR
[…] Disons la vérité, devant Corioles, il l’a entaillé et tailladé comme une carbonade.
LE DEUXIEME SERVITEUR
Et s’il avait eu du goût pour le cannibalisme, il l’aurait fait bouillir et mangé aussi. »
(4.5.180-84)

En d’autres termes, si Coriolan avait voulu jouir de sa victoire, jouir de son ennemi, et s’il avait aimé la nourriture, il aurait dévoré Aufidius. Il l’aurait eu dans la peau, voire dans ses entrailles. Néanmoins, tout au long de la pièce, Coriolan semble se détacher de plaisir de la chair… et de la bonne chère. Sa propre mère l’a probablement détourné très tôt de toute source de fécondité, à en juger par le discours radical qu’elle continue à lui tenir sur la nourriture (« Anger’s my meat, I sup upon myself », c’est-à-dire « La colère est ma nourriture, je souperai de moi-même », 4.2.49). Coriolan se croit indépendant précisément parce qu’il ne dépend pas de biens matériels, et surtout pas du sein de sa mère17. Volumnia rappelle d’ailleurs au troisième acte qu’elle n’a pas allaité son enfant pour lui donner du lait, mais pour lui transmettre son courage18, cette vaillance héroïque qu’elle veut voir incarnée par ce fils qu’elle mène toujours à la baguette. Lui, l’ascète, ou le jouisseur refoulé, se méfie donc des banquets cannibales. Il n’aime pas l’ogre qu’incarne la plèbe, celle qui dévorera littéralement tous ses espoirs :

« The cruelty and envy of people,
Permitted by our dastard nobles, who
Have all forsook me, hath devoured the rest,
And suffered me by th’ voice of slaves to be
Whooped out of Rome. […] »

« La cruauté et la haine du peuple,
Autorisées par la poltronnerie des nobles, qui
M’ont tous abandonné, ont dévoré le reste,
Et ils ont souffert que des voix d’esclaves
Me chassent de Rome sous les huées. […] »
(4.5.71-75)

Vidé de sa substance, de son être, Caius Martius se plaint à son adversaire d’hier et témoigne de l’ingratitude des siens. L’identité du héros est en effet mise en pièce, ou « dévorée », par la cruauté et la haine du peuple, ce monstre comparé à une hydre, peu reconnaissant des durs labeurs de Coriolan.

Il est donc ironique qu’Aufidius suggère toute l’ampleur de son affection pour celui qu’il combat en évoquant la fréquence des repas du guerrier :

« AUFIDIUS
[...] Five times, Martius,
I have fought with thee; so roften hast thou beat me,
And wouldst do so, I think, should we encounter
As often as we eat. [...] »

« AUFIDIUS
[ …] Cinq fois, Martius,
J’ai lutté avec toi ; cinq fois tu m’as battu,
Et je crois que tu me battrais encore même si nous devions nous rencontrer
Aussi souvent que nous mangeons. […] »
(1.10.7-10)

Aufidius exprime déjà son goût des mets et son goût de l’autre. Ce que Coriolan refuse d’ingérer, le Volsque l’accepte et l’intègre à son quotidien. Manger, c’est connaître sa propre finitude, et c’est être capable de se laisser dominer par ses appétits. Dès le premier acte de la pièce, Aufidius se pose donc en jouisseur potentiel, mais ne peut que tromper sa faim. Lorsqu’au quatrième acte, son ennemi franchira le seuil de sa porte, le général Volsque saura dévoiler ses appétits. De manière significative, les premiers mots de Coriolan, encore déguisé en mendiant, concerneront les odeurs exquises d’un banquet : « A goodly house. The feast / Smells well […] » (« Bonne maison. Le festin sent bon […] », 4.5.4). Coriolan déjà, succombe aux plaisirs des sens.

3. Entre désir et agonie : les amours guerrières

Le héros que dépeint Shakespeare finit en effet par s’avouer ce qu’il redoute le plus, à savoir l’impuissance. « L’impuissance (languor) est la hantise romaine et concourt à l’effroi », écrit Quignard dans Le sexe et l’effroi19. Coriolan n’entend pas rester inerte. Il veut au contraire s’engloutir dans une jouissance qu’il n’a pas encore connue, sans toutefois s’adonner à la prédation du corps féminin, qui lui est inaccessible à jamais. « I shall be loved when I am lacked » (« On m’aimera quand on ne m’aura plus », 4.1.15), affirme-t-il après avoir été banni de la cité romaine. Aimé non par l’épouse, mais par la plèbe. Cette affirmation montre à quel point le guerrier est dépendant du soutien et de l’affection de Rome, bien plus qu’il ne l’avait jamais dit jusqu’à présent20. Une fois expulsé de sa cité, Coriolan est donc un être vide, en proie au manque d’amour. À partir de là, Shakespeare explore dans le détail les amours guerrières d’un personnage orgueilleux, d’un homme qui pourrait se définir comme le parfait contraire d’Antoine. Dans Antoine et Cléopâtre, Antoine prônait la volupté aux dépens de l’héroïsme. Dans Coriolan, le personnage titre s’interdit longtemps tout laisser aller et prétend mépriser les plaisirs. Il détourne le regard de sa femme, trop effacée, et étouffe sous le joug de la mère, Volumnia, la louve romaine. Cette dernière, caricature de la matrone, méprise les valeurs maternelles et a toujours voulu faire de son fils un guerrier dépourvu de songes (Hypnos), de fantasmes (Eros) et de fantômes (Thanatos)21. Son fils est donc un combattant incapable de rêver, d’étreindre, et de se mettre à nu. Il ne peut enlever son voile, ou l’armure sanglante qui le recouvre, car il ne se sent pas prêt à faire l’expérience de l’altérité. Ayant toujours obéi à sa mère, il ne peut en effet concevoir la différence. Coriolan, dans la pièce de Shakespeare, est donc un homme nécessairement voué à la solitude, mais qui finira par être confronté à l’ambivalence de ses sentiments comme de ses désirs. Délaissant son épouse, refusant de s’abandonner au repos du guerrier, Coriolan reportera tous ses élans corporels sur le combat, qui remplacera alors l’étreinte avec la femme. Il se sentira vraiment vivre dans l’imminence de la perte, du départ, d’une langueur amoureuse qu’il n’a pourtant jamais supporté chez les autres. Lorsqu’il se rend chez son ancien ennemi pour faire cause commune avec lui et se retourner contre Rome, le spectateur le perçoit d’abord comme un intrus, intrusus. Il est « celui qui entre avec force, qui s’introduit si violemment, sans droit à le faire », de sorte qu’on n’a qu’une envie : le chasser. « C’est celui qui n’est pas invité »22. En s’appropriant un espace étranger, en rentrant dans un cercle fermé, il s’abandonne à une forme de prostitution symbolique. Il est résolu à vendre son corps, sans jamais le formuler clairement. D’une part, il comprend qu’il ne peut se passer d’Aufidius, parce qu’il ne parvient à se trouver lui-même qu’à travers son double. D’autre part, il pressent le désir (libidinem) d’Aufidius, et ne se trompe pas. Si ce dernier avoue à mots couverts que si jadis, il éprouva le besoin de se marier, c’est aujourd’hui le désir qui l’obsède. Coriolan, désigné par l’oxymore « noble thing » (4.5.113), est pour Aufidius l’incarnation parfaite de la chair (« thing ») et de la grandeur d’âme (« noble »). Le Volsque voit donc en cet homme un « objet fascinant », capable de « perdurer au-delà de la fascination qu’il donne »23 :

« […] Know thou first,
I loved the maid I married ; never man
Sighed truer breath. But that I see thee here,
Thou noble thing, more dances my rapt heart
Than when I first my wedded mistress saw
Bestride my threshold. […] »

« […] Sache-le tout d’abord,
J’aimais la vierge que j’ai épousée ; jamais un homme
N’a soupiré d’un souffle plus sincère. Mais à te voir ici,
Noble créature, mon cœur grisé danse plus
Que la première fois où j’ai vu ma maîtresse épousée
Franchir mon seuil. […] »
(4.5.110-15)

La nature du désir éprouvé par Aufidus est mise à nu lorsque ce dernier raconte le rêve érotique de sa rencontre avec Coriolan. Il met alors en mots sa « nuit sexuelle » :

« […] Thou hast beat me out
Twelve several times, and I have nightly since
Dreamt of encounters ‘twixt thyself and me—
We have been down together in my sleep,
Unbuckling helms, fisting each other’s throat—
And walked half dead with nothing. […] »

« […] Tu m’as battu
Douze fois, et depuis, chaque nuit,
Je rêve de rencontres entre toi et moi ;
A terre nous roulons ensemble dans mon sommeil,
Débouclant nos casques, empoignant nos gorges,
Et je m’éveille à demi-mort de ce combat avec le rien. […] »
(4.5.118-23)

Ce « nothing » qui, comme on l’a vu précédemment, renvoie habituellement chez Shakespeare au sexe et à la matrice féminine, est ici « l’origine du monde » d’Aufidius — ou du moins, l’origine de son monde érotique. Le guerrier a désiré si fort son ennemi qu’il a rêvé son visage en son absence. C’est là, explique Quignard, l’une « des plus anciennes définitions de l’amour »24. L’attirance d’Aufidius pour Coriolan « est telle qu’elle produit en son absence une épiphanie »25. Dans cette épiphanie, le casque guerrier devient inutile et l’oreiller de la couche nuptiale vient accueillir les têtes des amants alanguis, las de la guerre et du sang. « L’amour et la mort », affirme Quignard, « constituent les deux plus grands rapts possibles que les humains aient à connaître »26. Les deux guerriers de Shakespeare l’ont bien compris. Coriolan a peut-être fait le deuil de l’autre sexe, mais il est désormais en proie à une inlassable curiosité. Il sera la « maîtresse » d’Aufidius27 ou ne sera pas. Le désir que nourrissent les deux guerriers l’un pour l’autre ne fait alors plus de doute. Cette attirance mutuelle est une attirance sadique, car à l’acte de procréation, les deux hommes substitueront l’acte de destruction. Au « râle du désir » se substituera le « râle de l’agonie »28. La guerre remplacera l’amour. Cette union rêvée par les deux hommes s’avère finalement impossible car chacun des deux guerriers s’abaisse momentanément à devenir le serviteur de l’autre dans le seul but narcissique d’adorer son double glorifié29. Le miroir dans lequel se scrute chaque amoureux se fissure puis se brise. A force de flatteries mutuelles, les deux hommes sentent poindre l’humiliation, et refusent d’abdiquer leur fierté. Le duo tourne alors, de nouveau, au duel. Aufidius se rend tout particulièrement compte que dans la relation qui l’unit à son double, il est voué à être dominé :

« […] He bears himself proudlier,
>Even to my person, than I thought he would
When first I did embrace him. […] »

« […] Même à mon égard il se comporte
Avec plus de superbe que je ne l’aurais cru
Quand je lui ai ouvert les bras. […] »
(4.7.8-10)

De cette union éphémère, le Volsque ne retire d’abord qu’une irrépressible envie de vengeance contre le mâle dominant. De surcroît, alors qu’il pense avoir cédé à tous les désirs de Coriolan, Aufidius ne supporte pas l’idée que ce dernier lui échappe. Les mots qu’il adresse aux conspirateurs ourdissant la chute du personnage-titre sont d’ailleurs empreints de désir et d’érotisme déçus :

« […] I took him,
Made him joint-servant with me, gave him way
In all his own desires; […] »

« […] Je l’accueillis,
En fis mon associé, et cédai
A tous ses désirs ; […] »
(5.5.31-33)

L’union n’a pu combler Aufidius, et sa frustration se déverse d’autant plus violemment sur l’amant qu’il avait cru pouvoir dompter. Le Volsque se met alors à ressembler trait pour trait au personnage de Coriolan tel que Shakespeare nous le présentait au début de sa tragédie30. Il s’est approprié son amant pour mieux le détruire. Coriolan, lui, ressort transformé de cette expérience. Sa foi martiale est désormais ébranlée. Il a enfin compris quel était le sens de son existence : non pas dans l’héroïsme, mais dans l’érotisme, les larmes (« boy of tears », 5.6.103) et non plus les armes. Lors du dénouement, après avoir cédé aux sirènes de l’amour filial, le héros éprouvera même la volupté de la grande mort. Car mourir entre les mains de l’ennemi tant haï et tant aimé, c’est éprouver une incomparable jouissance. Alors qu’il demande à être démembré par les Volsques, Coriolan vient de faire à la fois l’expérience de l’humanité, mais aussi de la sexualité, ne serait-ce que de manière métaphorique. En d’autres termes, sa rencontre avec l’ennemi juré, son corps-à-corps verbal a provoqué l’ascension menant à sa chute, à son affaissement (sumptôma). « La sexualité masculine » du héros est redevenue « amorphe, exsangue, fallacieuse, symptomatique (c’est-à-dire retombée, souhaitant mourir) »31. Dans Antoine et Cléopâtre, le monde reste indifférent à la disparition d’Antoine, qui se prenait pourtant pour un demi-dieu et rêvait à un amour immortel avec la reine d’Egypte (5.1.14-19). Dans Coriolan, le guerrier mort devient vénéré. Son eros lui survit, parce que sa mort est la seule chose qu’il a su mettre en scène. Elle est violente, sexuelle, et pétrifiante.

Conclusion : de la haine à la vénération

« My rage is gone, / And I am struck with sorrow […] » (« Ma rage est passée, / Et je suis frappé de douleur […] »5.5.147-48), déclare enfin Aufidius après avoir tué l’ennemi de toujours. La pièce s’achève sur ces regrets, sur cette haine muée en admiration. « La contemplation sexuelle adore le jadis »32. Faute de volupté possible, il reste à Aufidius les réminiscences d’un plaisir jamais advenu. D’un plaisir frustré qui préserve l’amour. L’amour que voue le général Volsque à Coriolan continuera donc sans doute au-delà de la mort, mais il lui faudra désormais apprendre la différenciation et la séparation. Comprendre aussi que « [l]a disparité maudite du sexuel fait qu’il n’y a jamais unité. Jamais de paix. L’échange est éternellement impossible »33. L’éros latin, totalement inventé par Shakespeare, vient paradoxalement affirmer la virilité de deux hommes que tout oppose, et que tout finit par réunir.

Il faut en effet parler ici de virilité. Car la tragédie de Coriolan ne met pas en scène, comme on l’a souvent dit, des amours homosexuelles refoulées. D’abord parce qu’un flot continu d’allusions érotiques irrigue la pièce. Ensuite parce qu’il « n’y a jamais eu d’homosexualité […] romaine. [ …] [L]es Romains n’ont jamais distingué homosexualité et hétérosexualité »34. Aufidius, en faisant pénétrer Coriolan dans son intimité ne fusse que quelques instants et par le seul pouvoir des mots, lui permet enfin d’accéder au rite de passage qui lui a manqué. Shakespeare, dans sa pièce, ne nous présente donc rien d’autre que le moment où Coriolan quitte sa mère et sa femme (à ses yeux, l’équivalent romain du gynécée) et s’émancipe d’une sexualité passive pour aller métaphoriquement dans les bras d’un homme et se muer enfin en amant actif35. Parce que cette activité reste hypothétique, Coriolan n’a d’autre choix que d’accéder à son être dans la mort.

Si, pour Quignard, le désir est désastre, alors Coriolan est l’astre dont la chute peut seule permettre à Aufidius de comprendre que le guerrier qu’il a vaillamment combattu — et qui brillera bientôt par son absence — est celui qu’il a toujours passionnément désiré. Passionnément vénéré, pourrait-on dire, car « nous vénérons quelque chose dont l’attrait qu’il exerce sur nous tourne à l’aversion ». Quelqu’un qu’il faudrait fuir, mais qui nous fait rester, « nous faisant préférer notre effroi à nous-mêmes »36. Coriolan est ce « quelque chose », ce quelqu’un dont aujourd’hui encore, le spectateur ne peut se détourner, même s’il apprend tôt, très tôt dans la pièce, à le détester.

 

Bibliographie

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1 Quignard, Pascal, Les désarçonnés, Paris, Grasset, 2012, p. 280.

2 Dans le présent article, les citations de Coriolan seront systématiquement extraites de Shakespeare, William, Tragédies, II, éds. Jean-Michel Déprats et Gisèle Venet, trad. Jean-Michel Déprats, Paris, Gallimard, 2002, p. 1037-1347.

3 North, Thomas, The Lives of the Noble Grecians and Romanes, Londres, Thomas Vautroullier, 1579 (STC n° 20065).

4 L’homme se sent et se veut seul face à un monstre polycéphale. L’adjectif « alone » apparaît à quatorze reprises dans la pièce. S’il se compare lui-même à un dragon (« [ …] though I go alone, / Like to a lonely dragon […] », que Jean-Michel Déprats traduit par «  […] bien que je parte seul / Comme un dragon solitaire […] », 4.1.29-30), il ne peut pas grand chose face à la populace, cette hydre dont les têtes repoussent à mesure qu’on les tranche (« the many-headed multitude », à savoir «  la multitude aux mille têtes », 2.3.15).

5 Rackin, Phyllis, « Coriolanus : Shakespeare’s Anatomy of virtus », Modern Language Studies, vol. 13, n° 2, 1983, p. 75-76.

6 Quignard, Pascal, Sordidissimes. Dernier royaume, V, Paris, Gallimard, 2005, p. 32.

7 Ibid, p. 44.

8 Voir ce que dit Martius d’Aufidius au cours de la première scène : « Were half to half the world by th’ears and he / Upon my party, I’d revolt to make / Only my wars with him. […] » (« Quand la moitié du monde serait aux prises avec l’autre, / S’il était dans mon camp, je me révolterais / Pour mener mes guerres contre lui. […] »), 1.1.220-22.

9 Quignard, Pascal, La nuit sexuelle, Paris, Flammarion, 2007, p. 99.

10 Marienstras, Richard, « La dégradation des vertus héroïques dans Othello et dans Coriolan », Études Anglaises, t. XVII, n° 4, octobre 1964, p. 386.

11 Lemonnier-Texier, Delphine, « ‘Would you have me false to my nature ? Rather say I play the man I am’ : the Deconstruction of Masculinity in Shakespeare’s Coriolanus », Représentations et identités sexuelles dans le théâtre de Shakespeare. Mises en scène du genre, écritures de l’histoire, éd. Delphine Lemonnier-Texier, Rennes, PUR, 2010, p. 153.

12 Quignard, Pascal, La nuit sexuelle, op. cit., p. 117.

13 Chardin, Jean-Jacques, « Les contrariétés merveilleuses de Coriolan » dans Lectures de Coriolan de William Shakespeare, Rennes, PUR, p. 27-38.

14 Cette représentation est nourrie et entretenue par ses alliés comme par ses ennemis. Aussi Lartius explique-t-il à Coriolan qu’Aufidius aime à faire savoir qu’il l’a souvent affronté « sword to sword », c’est-à-dire « épée contre épée ». L’expression riche en sous-entendus érotiques semble flatter Coriolan et elle fait d’ailleurs elle-même écho aux mots prononcés plus tôt par Aufidus, à savoir « True sword to sword », ou « Loyale épée contre épée », 1.10.15.

15 Holloway, John, The Story of The Night: Studies In Shakespeare's Major Tragedies, Oxon, Routledge, (1961) 2005, p. 130.

16 Quignard, Pascal, Sordidissimes. Dernier royaume, V, op. cit., p. 178.

17 Adelman, Janet, Suffocating Mothers. Fantasies of Maternal Origins in Shakespeare's Plays, New York, Routledge, 1992, p. 148.

18 « Thy valiantness was mine, thou sucked’st it from me » (« Ta vaillance était mienne, tu l’as sucée de moi », 3.2. 129).

19 Quignard, Pascal, Le sexe et l’effroi, op. cit., p. 81.

20 Berry, Ralph, « Sexual Imagery in Coriolanus », Studies in English Literature, 1500-1900, vol. 13, n° 2, Elizabethan and Jacobean Drama, Spring, 1973, p. 307.

21 Quignard, Pascal, La nuit sexuelle, op. cit., p. 65.

22 Quignard, Pascal, Les ombres errantes. Dernier royaume, I, Paris, Gallimard, 2002, p. 26.

23 Quignard, Pascal, Le sexe et l’effroi, op. cit., p. 166.

24 Quignard, Pascal, Les paradisiaques. Dernier royaume, IV, Paris, Gallimard, 2005, p. 61.

25 Ibid, p. 61.

26 Quignard, Pascal, La nuit sexuelle, op. cit., p. 65.

27 Voir ce que dit le troisième serviteur à ses deux comparses : « Our general himself makes a mistress of him » (« Notre général lui-même le traite comme une maîtresse » 4.5.189-90).

28 Quignard, Pascal, La nuit sexuelle, op. cit., p. 65.

29 Hunt, Maurice, « ‘Violent’st’ Complementarity: the Double Warriors of Coriolanus », Studies in English Literature, 1500-1900, n° 2, Elizabethan and Jacobean Drama, 1991, p. 315.

30 Ibid., p. 317.

31 Quignard, Pascal, La nuit sexuelle, op. cit., p. 127.

32 Quignard, Pascal, Sur le jadis, Paris, Gallimard, 2002, p. 61.

33 Quignard, Pascal, Sordidissimes, Dernier royaume, V, op. cit., p. 79.

34 Quignard, Pascal, Le sexe et l’effroi, op. cit., p. 16.

35 Ibid., p. 17.

36 Ibid., p. 107.



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- Auteur : Sophie Chiari
- Titre : Shakespeare relu à la lumière de Pascal Quignard : l’éros latin de Coriolan
- Date de publication : 06-11-2015
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=148
- ISSN 2105-2816