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Sur les amours des nonnes dans les lettres luso-brésiliennes du XVIIe siècle

Ana Lúcia M. de Oliveira


Le point de départ de ce travail est une brève mise en évidence de la transformation de l´image de la femme à l´époque baroque, quand « une sensorialité exaltante va remplacer l´érotisme intellectualisé de la poésie de la Renaissance », selon Ana Hatherly. 1 Les descriptions du corps féminin, surtout dans les poèmes burlesques, sont très fréquentes et érotisées à l´extrême par l´utilisation de métaphores alimentaires, en particulier celles se référant à la confiserie, qui sont intimement liées aux douceurs de l´amour, faisant une double invocation à la gourmandise et à la luxure. Une autre dimension singulière que le portrait de la femme assume à l´époque est en rapport avec la vaste littérature des « freiráticos », laquelle en présente des aspects variés et particuliers qui vont de son apologie à sa condamnation.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les « freiráticos » étaient tous ces hommes qui entretenaient des relations amoureuses avec des soeurs. Religieux ou laïc, le freirático peut être platonique ou pas. Dans le premier cas, il ressuscite la tradition de l´amour courtois, de l´amour impossible par l´inaccessibilité de la Dame, dans ce cas, la religieuse. Dans le second, il surmonte toutes les entraves, en se livrant à la pure jouissance des sens jusqu´à leur exhibition.2 Non seulement illicites mais sacrilèges, ces amours, en prenant en compte les témoignages de cette époque, ont été un phénomène assez courant, ce qui est plutôt surprenant dans une société de la Contre-réforme aussi répressive que l´était celle portugaise.

Il suffit de rappeler qu´à l´époque en question, seul l´aîné était considéré comme le véritable héritier d´une famille ; avec cela, si les jeunes filles, même plus âgées que les garçons, n´étaient pas destinées au mariage avec quelqu´un de leur classe ou de la classe supérieure, elles étaient confiées à l´ombre protectrice des monastères, afin d´y mener une vie garantie en termes économiques.3

Ainsi, dans la pratique, la réclusion des femmes était plus sociale que sexuelle, afin d´éviter un mariage avec des personnes d´un niveau social inférieur, et pas nécessairement motivée par une quelconque vocation religieuse. Encore qu´on mentionne, qu´avoir une fille au couvent constituait, en plus de l´intérêt économique et sexuel, un élément distinctif de haute position dans la société, vu que l´admission était établie sur des critères rigoureux de pureté du sang, devenant, ainsi, « un certificat public de la blancheur orthodoxe de la famille », comme le remarque Adolfo Hansen.4

Les observations précédentes nous permettent de comprendre qu´à l´époque baroque, la vie dans les couvents présentait des caractéristiques singulières qui reflétaient les contradictions internes de la société d´alors, et ainsi le cloître en est venu à fonctionner comme une sorte de lieu intermédiaire entre le sacré et le profane, dans lequel se déroulaient des fêtes et des commémorations, ce qui suscitait des effets positifs pour la vie culturelle mais souvent négatifs pour la vie spirituelle. Ainsi, au Portugal et dans la colonie brésilienne, pendant le XVIIe et une partie du XVIIIe, la vie au sein de quelques couvents est arrivée à prendre des aspects surprenants de débauche et de libertinage, auxquels ont participé non seulement des religieux mais aussi des courtisans et jusqu’au roi lui-même, comme l´attestent de nombreux documents de l´époque.

Dans son ouvrage L´amour au Portugal au XVIIe siècle, Júlio Dantas consacre un chapitre aux freiráticos, soulignant les conséquences au comique désastreux de ce type de relation amoureuse vouée à l´échec et qui devient la cible des critiques et des plaisanteries, comme on peut le voir dans de nombreux textes à teneur anti-freirático accumulés dans les bibliothèques portugaises. Comme nous le verrons plus loin, cette pratique donne lieu à différentes lois qui cherchent à réprimer l´activité des amants des religieuses libertines et également à de divertissantes diatribes de textes burlesques qui la commentent, comme on l´observe, par exemple, dans les poèmes satiriques du poète du seizième brésilien, Gregório de Matos, surnommé « bouche d´enfer » à cause de la virulence de sa langue acérée et sans freins.

Pour rendre l´exposé plus clair, il suffit de mentionner quelques données historiques. La pratique des amours freiráticos a été sévèrement réprimée par des lois successives, mais c´est seulement à la fin du XVIIIe siècle qu´elle a diminuée ou est tombée en désuétude. En mars 1690, le roi portugais Dom Pedro II a rendu une ordonnance royale pour le gouvernement de l´État du Brésil, dans laquelle il recommande à l´Archevêque de Salvador de « changer les grilles des couvents de religieuses, en les plaçant à une distance de six pieds d´épaisseur et en comblant les alentours des parloirs avec de la pierre et de la chaux », insistant « sur le grand soin qu´il doit mettre pour que soient évitées toutes les amitiés illicites scandaleuses avec les religieuses de ce couvent [...] afin qu´elles vivent sans aucune inquiétude spirituelle causée par des personnes laïques ou ecclésiastiques ».5 L´année suivante, dans sa réponse, le Gouverneur rend compte des « mesures adéquates » déjà appliquées au Couvent de Sainte Claire de l´Exil à Salvador, mettant en évidence la position officielle au sujet des visites masculines au couvent et des « amitiés illicites » des religieuses : « les grilles sont comme Votre Majesté l´a ordonné. Les tours du parloir fermés. Les religieuses vivent comme il convient, et j´en prends un soin tout particulier ; qu´il en soit ainsi pour le service et la louange de Dieu, comme aux ordres de Votre Majesté ».6

Il est intéressant d´observer que la poésie satirique qui circule dans la ville de Salvador au XVIIe siècle, comme le remarque Adolfo Hansen, « dramatise selon un registre déformant »7 les discours institutionnels et les rumeurs qui parcourent anonymement les rues et les ruelles de la ville, au sujet des affaires du couvent qui impliquent la relation des religieuses avec plusieurs castes de « freiráticos » – nobles, arrivistes, gens avisés, pères, frères et tous les hommes disposés à pénétrer dans le couvent de l´Exil.

De cette manière, l´interdiction, matérialisée par la pierre et par la chaux qui comblent dans la lettre du Gouverneur le guichet et la grille, devient « un objet discursif transposé avec ingéniosité et art par le désir du freirático ». Dans la mesure où ils sont les points de son contact avec la religieuse et, en même temps, les lieux d´exclusion ou d´interdiction, le guichet, le tour et la grille sont « surdéterminés érotiquement » : ils se constituent en ouvertures équivoques, lieux de pénétrations érotico obscènes, fentes par où les discours, les mains et les bras essayent d´atteindre des corps séparés par l´interdiction de l´acte lui-même et de s´y accoupler. C´est vers le guichet, le tour et la grille que les corps des « freiráticos » convergent, c´est en eux qu’ils attendent les corps des religieuses ; en eux, enfin, « que se produit l´acte illicite et, dans la poésie satirique, presque toujours obscène ».8

Il convient de préciser que le terme guichet désigne une lame de métal percée de trous, généralement carrée, qui s´incruste dans une porte ou une fenêtre à hauteur du visage, permettant qu´on se parle d´une pièce à une autre sans que les causeurs se voient, la porte ou la fenêtre maintenue convenablement fermée pour éviter le meilleur... Dans la satire de Gregório, la religieuse a l´habitude d´utiliser un petit banc pour atteindre la hauteur du guichet et parler avec son amant :

Dans l´ordre de Frère Thomas,
je serai en perpétuelle vadrouille
du guichet, du tour et de la grille :
je tèterai paternité
Deo gratias on me donnera
et seulement on entendra
les claquements de mes sabots
quand la Religieuse sur le banc
au guichet m´attendra.9

De la parole dans le guichet, quand c´est possible, on passe à l´action de la grille, des barres de fer qui séparent les visiteurs des religieuses dans le parloir du couvent. On remarque que la grille sépare et en même temps unit les bras déployés en une « fonction » :

De là pour la grille nous irons
et seulement je serai entré
quand le bras déployé
nos activités nous commencerons.10

Quant au terme tour, il désigne une espèce d´armoire pourvue d´un mécanisme giratoire qui est monté sur une fenêtre ou sur une grille, pouvant être actionné de l´intérieur comme de l´extérieur. Dans les compartiments du tour, le freirático envoie à l´intérieur du couvent les métonymies du désir – cadeaux, fleurs, petits billets, rubans, mouchoirs, sucre, lettres, bijoux, livres et poèmes – en fonction d´une hiérarchie conforme au degré de son amour et à l´intensité de son désir de persuader la religieuse de le réaliser. Dans le tour aussi sortent les cadeaux de la religieuse – généralement les fameuses pâtisseries aux oeufs et au sucre qu´elle prépare et qui, goûtées par le freirático, deviennent les suavités métaphoriques ou allusives des douceurs de l´amour. Dans les vers du poète :

Échangez la pâtisserie contre une faveur
et soignez un mal aussi grave
avec cette douce ambroisie
avec laquelle fut créé l´Amour.11

Il convient d´ouvrir une petite parenthèse pour expliquer que la prolifération que les métaphores alimentaires, provenant d´une longue tradition médiévale, ont assumée dans la période baroque est intimement liée à l´extrême sensualité que la sensibilité de l´époque manifeste, laquelle trouve sa contrepartie dans la condamnation dont les cinq sens ont été l´objet, une fois qu´ils s´attachaient au monde, quand l´idéal ascétique exigeait que le chrétien s´en détache.12 Une fois que l´abandon au diktat des cinq sens fait appel à la satisfaction des appétits, il y a un lien nécessaire entre eux et les vices, desquels se détache le péché de gourmandise, l´un des plus représentés et critiqués dans les lettres et les arts de l´époque.

Au sujet du sucre, il faut noter l´importance qu´il a assumé dans la culture portugaise suite au développement des plantations de canne à sucre, surtout au Brésil. Le sucre est devenu le véhicule du plaisir extrême, avec les innombrables confiseries auxquelles il a donné origine, et qui, jointes au chocolat et au tabac, ont constitué le délice de la sensualité gustative baroque, favorisée par les épices, déjà introduites au XVIe siècle, qui sont venues renouveler et stimuler le plaisir des saveurs.

La satire de Gregório de Matos inverse le sens de telles confiseries d´une manière obscène, en remplaçant les cadeaux de « sucreries » et de « fleurs » par « taro » (« cará », en portugais), terme qui désigne le tubercule qui permet le jeu de mots avec le terme populaire qui se réfère à l´organe sexuel masculin ; quelquefois par « saucisson », avec une évidente connotation phallique, ou « poisson rouge », poisson tropical dont le nom est aussi très approprié pour les formulations équivoques. Et, beaucoup de fois, « crevettes », excrément, comme l´allégorie du mépris radical de la religieuse pour l´amant, qui est qualifié avec la non-valeur absolue entre les plus inférieurs des vulgaires.

Il est important de souligner que dans la satire bahianaise, le topique de l´amour freirático est rempli par le référentiel des discours locaux dont les valeurs sémantiques et pragmatiques se réfractent métaphoriquement dans les thèmes et les motifs en diverses positions et registres institutionnels et informels antagonistes impliqués dans cette question, comme ceux de l´honneur sexuel, de l´intérêt économique, du prestige, de l´isolement social, des préceptes de la finesse courtoise, de la compétition des laïcs et des ecclésiastiques, des nobles et des roturiers pour les faveurs érotiques de la religieuse. Une des manières les plus communes de la composition de la satire de l´amour frerático est la dramatisation des rumeurs autour des visites masculines au couvent. Dans ce cas, la matière des poèmes est extraite des discours locaux sur les scandales, les scènes de jalousie, les conflits amoureux, les objets inattendus que la religieuse a envoyés à son amant et, aussi, les trahisons de la religieuse, selon le topique récurrent du cocu, récurrent dans la poésie populaire portugaise depuis le Moyen Âge.

En résumé, « la satire de l´amour freirático imite les préceptes de l´amour courtois, mais elle en transpose le registre galant en style vulgaire, en substituant à la louange le blâme ».13 Le changement inclut la parodie fréquente de la poésie lyrique et des lieux communs du pétrarquisme ; aussi la diffamation, l´insulte, l´imitation obscène de l´échange épistolaire et d´aliments entre le couvent et l´extérieur ; la composition de poèmes obscènes sur les parties stratégiques des corps du freirático et de la religieuse ; les objets scatologiques et phalliques, comme la saucisse et la casserole de sucrerie avec des excréments ; les vers malicieux sur l´oiseau-mouche, connu à Bahia au XVIIe siècle comme le pique-fleur, nom qui en portugais favorise une allusion à l´organe sexuel masculin ; les jeux de mots plaisants avec les différents noms des organes sexuels utilisés dans les innombrables ordres religieux.14

Il convient encore d´observer que « la personne satirique n´est pas un personnage simple, parce qu´en elle convergent plusieurs représentations contemporaines ».15 Comme une espèce d´acteur mobile, la personne qui assume l´énonciation de la poésie de Gregório de Matos occupe métaphoriquement plusieurs positions de la hiérarchie sociale. Quand elle est construite comme un type prudent qui critique les vices de la société, elle métaphorise le discours officiel de la bienséance et de l´interdiction ; dans ce cas, le premier de ces lieux métaphorisés est le lieu institutionnel par excellence, l´ordre royal d´où proviennent les mesures de contrôle de ce que le poète surnomme avec ironie « la sainte soif »16 des religieuses, mesures qui essayent d´éviter les « péchés de pierre et de chaux ».17

Souvent, la voix de l´énonciation est celle du freirático, qui se présente comme un moulin à paroles qui se met en avant, racontant à tous ceux qui sont à l´extérieur du couvent ce qu´il prétend expérimenter à l´intérieur ; parfois, comme rejeté, il profère des discours médisants contre la religieuse, parce que celle-ci, compromise avec d´autres hommes, et même avec des religieux, ne répond pas à son désir exclusif. Dans les agressions contre la religieuse qui dédaigne l´amitié du laïc avisé, la satire recourt aux modèles de l´honneur sexuel et de la « pureté du sang », produisant des mélanges obscènes inconcevables, vu la position aristocratique de la religieuse. Par exemple, lorsqu´il désire que la religieuse dédaigneuse soit violée par un indien (« cobé », en portugais) avec un organe monstrueux (« mangará » est le nom de la fleur de bananier avec un aspect phallique) et ait un fils indien ou métisse (« Paiaiá », dans la langue des tupis qui habitaient le littoral du Brésil aux XVI et XVIIe siècles, signifie « personnes laides ») ou noir (« Guiné »), dans les vers suivants :

[…] demande à un démon, qu´un cobé
vous plante telle mangara
que vous accouchiez d´un Paiaiá
plus noir qu´un Guiné.18

Finalement, selon les discours de la bienséance et de l´ordre établi, le danger qui rôde autour des religieuses est l´enfant illégitime, fruit des amours de couvent.

Examinons plus en détails en quoi l´amour freirático consiste exactement. Par définition il s´agit « d´un amour politique, d´une relation érotique exclusive »,19 parce que les comportements et les manières grossières des gens inférieurs, de ceux qui ont le sang impur et de ceux qui réalisent des métiers manuels ne pénètrent pas dans le couvent. En plus des raisons institutionnelles, du statut juridique et de la pureté du sang des femmes, dans la satire qui circule à Bahia, le facteur économique est déterminant dans l´exclusion des roturiers et, principalement, des roturiers pauvres, car il est extrêmement coûteux de faire la cour aux religieuses, comme on le lit dans les textes de l´époque : « si le freirático manque de respiration dans le porte-monnaie, ou s´il crie famine du gousset, il n´est pas facile d´y être admis ».20

Les religieuses se montrent avisées et font de continuelles demandes : elles exigent, par exemple, que le freirático vienne les visiter coiffé d´un chapeau à plumes et vêtu d´un habit anglais avec des rubans, des foulards, une épée de cérémonie, um col de dentelle, des boucles d´oreilles baroques, une perruque poudrée, etc. Pendant le Carême il doit pourvoir financièrement aux chapelles des anges, aux épées pour les pénitents, donner des vêtements aux fraternités ou des aliments. Ainsi, l´amour de la religieuse riche et noble adopte le rythme des conventions de la discrétion courtoise : révérences, courbettes, dans lesquelles le geste étudié dissimule le désir brut, l´embrouillant dans des galanteries, des cadeaux, des gentillesses, des souvenirs.21 Dans le cas de Gregório de Matos, la satire prend position, en défendant l´exclusivité de la présence du « laïc initié » dans les couvents, c´est à dire le laïc avisé et le maintien dissimulé de ses manières courtoises, et en essayant de s´opposer à la concurrence des hommes du clergé qui ont fait vœu d´abstinence. Nous avons pris l´exemple d´un poème qui satirise l´action d´un freirático religieux, dont le désir, totalement explicite dans sa rencontre avec une religieuse, devient risible :

En arrivant aux grilles, un Frère,
sans plus de tendresse, ni de grâce,
le bras bientôt se déploie,
et traverse les grilles
et elle est telle la qualité
d´un quelconque Frère affamé,
qu´en un bref moment
on voit la malheureuse Religieuse
comme une figue tripotée
et trempée comme un poussin. 22

Dans plusieurs textes de l´époque, on retrouve encore des critiques que les freiráticos se font les uns aux autres, focalisées sur l´inutilité de telle pratique ou comme des avertissements contre l´exploitation dont ces amants sont l´objet de la part des religieuses, qui apparaissent dépeintes comme de véritables sangsues, insatiables dans les demandes de cadeaux et d´argent. Selon les écrits satiriques du portugais frère Lucas de Santa Catarina, qui emploie les mêmes topiques de la satire qui circule dans Bahia, le freirático est un « fou de Cupidon » qui chasse « des harpies ».23 Comme un oiseau de proie – dans ce qu´il propose, appliquant le précepte médiéval de composition de type féminin comme topos de la misogynie -, la religieuse est toujours mue par le calcul et par l´intérêt. L´imaginaire masculin de la trahison, qui fait de l´amant un cocu, selon le topique de l´insulte typique de la société ibérique fondée sur la transmission du nom de famille par le sang paternel, adopte la formulation ironique suivante de sentence morale dans la satire de frère Lucas : « [la religieuse] a plus d´une demi-douzaine d´amants, que souvent vous entretenez à vos frais ; que les religieuses sont magnifiques avec les uns, avec les dépenses des autres ».24 Par conséquent, le risque que tout freirático court est celui d´être avisé dehors, ou connu comme initié à l´amour conventuel, et d´être un âne à l´intérieur, pris comme objet de dérision de la part de la religieuse, comme on le lit dans le poème suivant :

Que quelqu´un paye les espions
pour avoir des Soeurs dévotes
et après mille défaites
marche par les porteries :
qu´il marche ainsi tous les jours
avec un fardeau et sans voiture,
et se passant pour avisé,
qu´il soit le petit âne de la religieuse !
Bonne ânerie !25

Sur le lieu sémiotique de la personne satirique, donc, deux discours contemporains s´interceptent : celui de la bienséance, officielle et paternelle, qui postule l´interdiction des « amitiés » conventuelles ; et celui de l´illicite défendu par les amants des religieuses. À cet égard, il faut citer encore une fois Adolfo Hansen : « Bienséance morale et attitude illicite transgressives sont complémentaires, dans le cas, s´explicitant mutuellement quand la personne dramatise l´un et l´autre ».26 Ainsi, dans la satire, les thèmes mentionnés de bienséance officielle, des amitiés illicites des religieuses, de l´interdiction, de la séduction, du mépris, de la convention avisée, de la cour amoureuse, des insultes, de la pierre et de la chaux, du guichet, de la grille et du tour, se réfractent en plusieurs positions hiérarchiques de la société.

Je conclus avec une anecdote27 qui démontre que les mesures prises pour empêcher ces amours illicites n´ont pas eu d´effet. En avril 1738, l´abbesse du Monastère de l´Exil, se plaignit au roi – alors D. João V, un « freirático » invétéré – d´un curé du même couvent, qui agissait illicitement avec la religieuse Josefa Clara. Selon l´abbesse, le curé se vantant de commettre des actes illicites avec la religieuse, est arrivé, une certaine nuit, à passer par les combles du sanctuaire jusqu´aux dortoirs, où il serait tombé avec fracas sur les couchettes des religieuses, lorsque les combles pourries ou rongées par les termites se sont écroulées sous son poids. Pris sur le fait, il a seulement déclaré qu´il était là pour écouter en confession l´une d´entre elles...

 

1 A. Hatherly, O ladrão cristalino: aspectos do imaginário barroco, Lisboa, Edições Cosmos, 1997, p. 127.

2 Cf. A. Hatherly, «Freiráticos e antifreiráticos – os amantes libertinos da época barroca», in Poesia incurável: aspectos da sensibilidade barroca, Lisboa, Editorial Estampa, 2003, pp. 299-317.

3 Voir, sur ce point : E. Araújo, O teatro dos vícios: transgressão e transigência na sociedade urbana colonial, Rio de Janeiro, José Olympio, 1997, pp. 257-269 et M. Rosa, «A religiosa», in R. Villari (dir.), O homem barroco, Lisboa, Editorial Presença, 1995, pp. 175-206 (spécialement p. 175).

4 J. A. Hansen, A sátira e o engenho: Gregório de Matos e a Bahia do século XVII, 2. ed. rev. São Paulo, Ateliê Editorial; Campinas, Editora daUNICAMP, 2004, p. 446.

5 I. Accioli & B. Amaral, Memórias Históricas e Políticas da Bahia, Bahia, Imprensa Oficial do Estado, 1925, v. II, p. 258.

6 A. L. G. da Câmara Coutinho, «Carta para sua Majestade sobre as religiosas do Convento de Santa Clara- 19/06/1691», in Livro de Cartas que o senhor Antônio Luís Gonçalves da Câmara Coutinho escreveu a Sua Majestade, sendo governador, e capitão geral do Estado do Brasil, desde o princípio de seu governo até o fim dele ( Que foram as primeiras na frota que partia em 17 de julho do ano de 1691), Seção de Manuscritos, Biblioteca Nacional do Rio de Janeiro (BNRJ). Apud J. A. Hansen, «O amor freirático na sátira luso-brasileira do século XVII», in Destiempos, México, Distrito Federal, Marzo-Abril 2008, Año 3, número 14, 2008, p. 551.

7 Ibid., p. 554.

8 Cf. Ibid., pp. 558-559.

9 G. de MATOS, Obra poética, Ed. James Amado e notas de Emanuel de Araújo, Rio de Janeiro, Record, 1990, 2 vol., 1990, vol. I, p. 654.

10 Ibid., vol. I, p. 655.

11 Ibid., p. 661.

12 Sur cette question, on consultera, entre autres, A. Hatherly, O ladrão cristalino: aspectos do imaginário barroco, op.cit., chapitre 2.

13 J. A. Hansen, «O amor freirático na sátira luso-brasileira do século XVII», op. cit., p. 553.

14 Cf. Ibid., p. 557.

15 Loc. cit.

16 G. de MATOS, Obra poética, op. cit., vol. I, p. 214.

17 Loc. cit.

18 Ibid., p. 664.

19 J. A. Hansen, «Freiráticos na sátira luso-brasileira do século XVII», in Revista USP. São Paulo, n.57, março/maio 2003, p. 81.

20 F. L. Santa Catarina, «Carta 14 de Frei Lucas de Santa Catherina em que persuade aos Freiráticos, que o não sejão. Quartel de Desenganos, e Advertencias Freiraticas, para todo o Padecente de Grade, Martir de Roda, e Paciente do Rallo. Pelo Inventor dos Sonhos, e Revedor dos Alentos», in G.A. Rodrigues (org.), Literatura e Sociedade na Obra de Frei Lucas de Santa Catarina (1660-1740), Lisboa, Imprensa Nacional/Casa da Moeda, 1983, p. 200.

21 J. A. Hansen, «Freiráticos na sátira luso-brasileira do século XVII», op. cit., p. 81.

22 G. de MATOS, Obra poética, op. cit., vol. I, p. 652.

23 F. L. Santa Catarina, «Carta 14 de Frei Lucas de Santa Catherina em que…», op. cit., p. 183.

24 Ibid., p. 187.

25 G. de MATOS, Obra poética, op. cit., vol. I, p. 391.

26 J. A. Hansen, A sátira e o engenho: Gregório de Matos e a Bahia do século XVII, op. cit., p. 450.

27 I. Accioli & B. Amaral, Memórias Históricas e Políticas da Bahia, Bahia, Imprensa Oficial do Estado, 1937, v. V, pp. 491-492.



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- Auteur : Ana Lúcia M. de Oliveira
- Titre : Sur les amours des nonnes dans les lettres luso-brésiliennes du XVIIe siècle
- Date de publication : 06-11-2015
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=150
- ISSN 2105-2816