Dans le domaine littéraire, la « part maudite » brésilienne reste encore peu explorée par la critique. De Gregório de Matos à Qorpo-Santo, de Gilka Machado à Hilda Hilst, de Glauco Mattoso au rapper Sabotage, pour ne citer que quelques-uns, nombreux sont les écrivains brésiliens qui pourraient être définis comme des « maudits », conformément à la signification éminemment littéraire prise par ce terme dans la France du XIXe siècle.

Avant même le fameux article de la revue Lutèce, paru en 1883, où Verlaine établit la liste des « poètes maudits », l’idée d’« écrivain maudit » était déjà courante dans la sensibilité romantique, de Vigny à Nerval. Elle a trouvé son incarnation majeure dans la figure de Baudelaire. L’expression fut reprise par nombre d’auteurs d’avant-garde qui se proclamèrent les héritiers non seulement des poètes du XIXe siècle, mais aussi d’une galerie de « maudits » avant la lettre, qui va de Villon au Marquis de Sade.

Le colloque Les Maudits sous les Tropiques a eu pour objet d’étudier l’influence de cette longue lignée sur la littérature brésilienne. Influence à proprement parler, dans certains cas, puisque ces écrivains français ont effectivement été lus, traduits et commentés par des artistes et des intellectuels brésiliens, voire par des lecteurs passionnés, souvent dans la clandestinité. Les exemples sont multiples, dont le plus connu est celui de Baudelaire, qui fit de nombreux émules dans le pays.

Parallèlement à l’étude de la réception de cette lignée au Brésil, le colloque s’est attaché à rendre sensibles les résonnances qui existent entre les deux littératures. Ainsi, au-delà de l’influence directe, l’accent fut mis sur les points de contact qui unissent les « maudits » français à certains écrivains brésiliens et à ce qu’on pourrait appeler « la part maudite brésilienne », à savoir les auteurs qui explorent les manifestations de l’excès, de l’érotisme et de l’informe.

Ce colloque a permis de susciter un débat entre chercheurs français et brésiliens permettant d’analyser les aspects symboliques et formels caractéristiques des œuvres définies comme « maudites », aussi bien dans le corpus canonique français qu’au travers de leurs manifestations dans la littérature brésilienne. Enfin, il fut l’occasion de s’interroger sur l’existence d’un « tropisme tropical » chez certains des « maudits » français. Au-delà d’un éventuel exercice de littérature comparée, le but de ce colloque fut d’explorer un paradigme à partir duquel analyser des aspects de la littérature brésilienne encore peu étudiés, mais aussi d’aborder le corpus français avec un regard critique nouveau.

Il s’est déroulé en deux temps. La première rencontre a eu lieu les 22 et 23 mai 2013 à l’Université de São Paulo, la seconde, les 24 et 25 octobre, à l’Université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense. Les textes des principales interventions, ici publiés en français, ont fait l’objet d’une publication en portugais, Malditos nos trópicos, dans le numéro 15 de la revue Teresa, de l’Université de São Paulo : http://literaturabrasileira.fflch.usp.br/node/55.

Camille Dumoulié
Centre de recherches en Littérature et Poétique comparées
Université de Paris Ouest-Nanterre-La Défense

Eliane Robert Moraes
Pós-Graduação em Literatura Brasileira
Université de São Paulo

COMITÉ SCIENTIFIQUE

Vagner Camilo (Université de São Paulo - USP)

Camille Dumoulié (Université Paris Ouest-Nanterre-La Défense)

Eliane Robert Moraes (Université de São Paulo - USP)

Michel Riaudel (Université de Poitiers)