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COLLOQUES


LES LETTRES FRANCOPHONES, HISPANOPHONES, LUSOPHONES ET LA LATINITE
Cannibalisme transcontinental dans les avant-gardes françaises et brésiliennes – La négociation d’identités et d’altérités latines à travers le motif de l’anthropophagie

Thorsten Schüller (Johannes Gutenberg-Universität Mainz)


Le cannibalisme, dans sa forme concrète (comme pratique sociale des communautés ‘sauvages’) et dans sa forme codifiée (comme symbole ou métaphore), est depuis des siècles, de Montaigne jusqu’à Brett Easton Ellis un fantasme pour la littérature des quatre coins du monde. On trouve des textes importants traitant du cannibalisme en Afrique, en Europe, en Amérique latine et en Amérique du Nord. Au Brésil, le mouvement anthropophagiste est même érigé en un courant artistique fondant une identité culturelle brésilienne qui marque les débats intellectuels jusqu’à la fin du 20ème siècle. Il y a aussi une vaste littérature théorique sur le phénomène du cannibalisme qui semble fasciner depuis longtemps les artistes et les chercheurs de la même façon1 ; les articles sur le phénomène plus précis du mouvement anthropophagiste ne font également pas défaut2.
Cette contribution aimerait souligner l’aspect transcontinental de la circulation du motif du cannibalisme qu’on trouve dans la littérature et dans les Beaux-arts avant-gardistes en Europe et en Amérique latine, surtout au Brésil. Dans le sens du romaniste allemand Ottmar Ette, nous partons du constat qu’il y a des littératures qu’on ne peut pas saisir dans le cadre strict des area studies. Ette analyse, dans son livre ZwischenWeltenSchreiben. Literaturen ohne festen Wohnsitz3 (à peu près : « ÉcrireEntreLesMondes. Littératures sans domicile fixe ») des textes sous l’angle des ‘études transaréales’ et souligne les interdépendances entre des textes provenant de différentes sphères culturelles. Ce ne sont pas seulement les littératures dites ‘migrantes’ qu’on peut interpréter dans cette perspective, les courants d’avant-gardes du début du 20ième siècle sont aussi un bon exemple pour les contacts entre les artistes, pour les réseaux d’influences et pour la circulation des motifs.
Au-delà de la latinité institutionnalisée, il existe une ‘latinité esthétique’ avant-gardiste. Les contacts multiples des artistes européens et latino-américains menaient à la circulation transatlantique de motifs. Un motif comme le cannibalisme se trouve par conséquent dans des textes et peintures des deux côtés de l’Atlantique. Le traitement du motif du cannibalisme dans les textes des deux continents peut servir comme étude de cas pour illustrer les liens entre les littératures. Les artistes des avant-gardes montrent que cette unité virtuelle et partiellement administrative de la latinité trouve un pendant esthétique. L’Atlantique n’est plus une frontière pour les écrivains du début du 20ième siècle, ils se rencontrent, ils se comprennent, ils s’influencent, ils utilisent parfois les mêmes langues et les mêmes motifs. Même si leurs objectifs se distinguent, la démarche artistique avant-gardiste crée des affinités électives et des unités dans un monde latin.

Le malaise des avant-gardes

Sigmund Freud constate en 1930 dans son essai pessimiste Das Unbehagen in der Kultur (« le malaise dans la culture ») que le plan de la création n’a pas prévu le bonheur pour l’homme.4 Ce constat pessimiste peut résumer et illustrer l’esprit des avant-gardes. Le point de départ de leurs programmes était toujours un mécontentement avec des structures existantes (sociales, politiques, esthétiques) et la tentative de sortir de ce malaise en détruisant tout ce qui est lié au passé tout en soulignant de nouveaux paradigmes (le rêve, le non-sense, la vitesse, la technique etc.).
Dans les avant-gardes européennes, un nouveau paradigme qui sert d’issue du malaise est le primitivisme, la mise en scène de cultures dites sauvages et barbares comme contre-modèle d’une société bourgeoise. Déjà dans la poésie de Rimbaud qui a d’ailleurs fortement influencé les avant-gardes, le « nègre » sert de symbole pour une altérité apte de dépasser l’insatisfaction.5 Il y a par conséquent des nègres un peu partout dans la littérature et les beaux-arts européens.6 Or, le motif du ‘nègre’ est, dans la plupart des cas, une mise en scène artificielle, il devient une entité virtuelle représentant l’altérité sans référence concrète à la réalité.7 Le traitement littéraire du cannibalisme se base, comme on va voir, sur le même principe. Il est l’image même de tout ce que la société bourgeoise et civilisée n’est pas.
Une citation du Brésilien Oswald de Andrade peut expliquer cette ‘mode’ de l’altérité barbare et du motif du cannibale qu’on trouve aussi dans des textes latino-américains. Dans un de ses textes anthropophages, il caractérise l’indigène brésilien : « C’est l’Indien qui était sain. L’Indien qui était homme. […] L’Indien n’avait pas de police, pas de refoulements, ni de maladies nerveuses, ni de services d’ordre, ni de honte d’être nu […] ».8 L’Indien devient ainsi, dans un sens rousseauiste, l’incarnation de santé mentale. Tout ce qui fait partie de la civilisation – si l’on va en croire Norbert Elias ou Sigmund Freud – est inconnu chez les Indiens d’Oswald de Andrade : ils ne connaissent pas de forces d’ordre, ils vivent dans un état naturel et ne refoulent pas leurs instincts. Cela mène, dans la perspective d’Oswald de Andrade, non seulement à un état de santé mentale, mais aussi à un état de santé sociale ou, comme dit le Brésilien dans un de ses manifestes : « Seul le sauvage nous sauvera »9.
Cette devise pourrait être aussi la devise de certains artistes européens concernant le motif du sauvage, même s’il y a certainement aussi des différences dans le traitement de l’état sauvage en Europe et en Amérique latine ; dans notre exemple, en France et au Brésil.
Les constructions de l’état sauvage, les interdépendances dans le traitement du motif, les analogies et les différences, seront au centre des réflexions suivantes, exemplifiées par le motif du cannibalisme qu’on trouve dans des textes d’avant-garde des deux côtés de l’Atlantique.

Le cannibalisme

On trouve très souvent des scènes de cannibalisme dans la littérature européenne du début du 20ème siècle, entre autres dans des textes qui ont connu une grande réception, comme par exemple Batouala de René Maran, ou, en filigrane, dans d’autres textes de l’époque, surtout dans le roman colonial dans lequel les cultures anthropophages sont synonymes des cultures sauvages et redoutables (p.ex. Monsieur de la Ferté de Pierre Benoît).10
Dans les courants d’avant-gardes qui traitent très peu le colonialisme de manière concrète, le motif du cannibalisme joue également un rôle important. Un poème du Portoricain Luis Pales Matos p.ex. est intitulé, en se référant à une tribu centrafricaine existante, « ñam-ñam » et parle d’une Afrique personnifiée qui mastique et mange de la chair blanche.11 On voit que les auteurs latino-américains se servent aussi des stéréotypes de l’altérité (qui sont d’ailleurs très souvent des stéréotypes de l’Afrique noire).
Mais aussi dans des textes des avant-gardes européennes l’anthropophagie ne fait pas défaut. On le trouve p.ex. dans des textes d’Alfred Jarry, d’Apollinaire, de Blaise Cendrars et de Marinetti. Un des manifestes les plus importants du dadaïsme est le « Manifeste cannibale » de Francis Picabia qui a aussi fondé une revue intitulée Cannibale. Or, le motif du cannibalisme est, comme on verra dans la suite, un signe vide ayant perdu sa référence concrète. Les textes ne parlent donc pas sur le fait que les hommes mangent la chair humaine, mais transportent d’une manière générale un geste de provocation, de violence et de destruction. Le cannibalisme devient dans cette perspective le symbole de l’altérité sauvage qui se distancie des discours existants.
Comme les contacts entre les écrivains et artistes européens et latino-américains étaient multiples et variés au début du 20ième siècle et comme on peut constater qu’il y avait une ‘avant-garde commune’ ou une ‘avant-garde partagée’12 entre les artistes des deux continents, il est peu étonnant de trouver le motif du cannibalisme aussi dans des textes des avant-gardes brésiliennes. Que ce soit une influence directe comme le présument certains critiques13 ou le hasard d’un discours artistique partagé qui mène à des produits semblables – il est à constater que les courants d’avant-garde des deux côtés de l’Atlantique ont un certain ‘goût’ pour le cannibalisme.
Dans le « Manifesto Antropófago » d’Oswald de Andrade ou dans le roman Macunaíma de Mario de Andrade le cannibalisme est omniprésent. Dans ces textes, le cannibalisme, souvent sous le nom d’anthropophagie, reste, comme dans les textes français, un signe qui se réfère à la violence et la destruction. Mais cette fois-ci, l’anthropophagie n’est pas un symbole pour l’Autre mais devient un élément constitutif d’une identité culturelle brésilienne avec des implications postcoloniales.
Le cannibalisme devient par conséquent un motif permettant de réfléchir sur des questions identitaires à partir de deux cotés du ‘monde latin’. Du côté latino-américain il s’agit d’un motif qui peut constituer l’identité brésilienne, du côté européen il s’agit d’un motif qui implique et indique (par son aspect de différence) l’identité européenne. La tension entre identité et altérité a été définie, dans un autre contexte, par Véronique Porra : « Ce qui ressort de cette expérience de l’altérité est, par antithèse, une expérience de l’identité ».14 Et cette identité européenne est considérée par les écrivains des avant-gardes comme étant déficitaire ; l’Autre devient un idéal.
Dans la suite, nous allons comparer d’une part le traitement du cannibalisme dans les textes de Francis Picabia, né d’un père cubain et d’une mère française, et, d’autre part, le traitement de ce motif par les Brésiliens Mario de Andrade et surtout Oswald de Andrade. Les propos suivants vont démontrer comment les courants d’avant-garde du ‘réseau de la latinité’ s’influencent mutuellement, comment les motifs peuvent s’interpénétrer et comment un même motif peut symboliser, en Europe, l’altérité, mais peut, dans d’autres sphères, constituer une identité, dans notre cas, une identité brésilienne.

Le cannibalisme chez Picabia15

Le peintre et poète Francis Picabia participait à plusieurs courants d’avant-garde, il était avec son travail expérimental un des auteurs les plus actifs des avant-gardes. Dans l’œuvre littéraire et picturale de Picabia on trouve des influences du cubisme, du dadaïsme, du fauvisme et du surréalisme. Mais il est surtout connu comme un des représentants les plus importants du dadaïsme. Pour illustrer son programme artistique il a souvent recours au motif, ou plutôt au mot ‘cannibalisme’. Un des manifestes les plus importants du dadaïsme, écrit par Picabia, est intitulé « Manifeste Cannibale Dada »16 ; une revue fondée par lui, qui fut éphémère mais quand même influente, est baptisée Cannibale. Mais est-il vraiment question du cannibalisme au sens précis ? Le mot « cannibale » qui apparaît à plusieurs reprises dans les textes et dans les titres de Picabia est devenu un signe vide. Quand le cannibalisme est évoqué dans les poèmes ou dans textes de Picabia, le signe est encadré dans des   isotopies n’ayant aucun lien avec le cannibalisme ‘charnel’.
Dans le « Manifeste Cannibale Dada » Picabia invente une scène de tribunal. Il y a un orateur qui parle la langue officielle d’un discours juridique ; il déclame un réquisitoire contre les valeurs bourgeoises et réclame le mode de vie dadaïste comme alternative. Ce n’est que dans le titre qu’on trouve le mot ‘cannibale’. Un titre, fût-ce le titre d’un manifeste ou d’une revue, est quand même un lieu éminent qui dirige la lecture du texte qui suit. Surtout dans les textes peu volumineux des auteurs avant-gardistes chaque mot a son importance. Que signifie donc le cannibalisme dans ce contexte ?
Picabia profite des implications du tabou que transporte le mot cannibalisme. Tout comme l’inceste, le cannibalisme est l’incarnation du tabou. Avoir recours à un tabou pour intituler des textes et revues programmatiques s’intègre à merveille dans l’esthétique dadaïste qui est marquée par la provocation et un habitus destructeur.
Dans son « Manifeste Cannibale Dada » Picabia oppose à ce discours ‘juridique’ et officiel des passages marqués par le nonsense et l’obscénité. Le faux juge du manifeste s’adresse aux accusés : « Vous êtes tous accusés ; levez-vous : L’orateur ne peut vous parler si vous êtes debout »17. Ce qui suit est une moquerie de tout ce qui est considéré comme étant ‘sérieux’ dans un contexte bourgeois : le patriotisme, le capitalisme, la mort… Ce discours ‘sérieux’ avec son ton pathétique, est confronté à des passages plutôt obscènes. Un passage du manifeste est consacré à l’argent qui a, tel est le reproche que l’orateur adresse à son auditoire, un caractère divin pour les Bourgeois. Ce passage se termine par ces mots: « L’honneur s’achète et se vend comme le cul. Le cul, le cul représente la vie comme des pommes frites, et vous tous qui êtes sérieux, vous sentirez plus mauvais que la merde de vache »18. D’autres insultes s’ensuivent.
Le manifeste cannibale, ainsi que les revues intitulées Cannibale sont pleins de tels propos obscènes, très souvent confrontés avec des mots d’un registre plus élevé. Avoir recours à l’obscénité s’intègre bien dans la programmatique des avant-gardes. Dans une perspective plus générale et théorique, le phénomène de l’obscénité dérange la communication, comme l’avait montré Georges Bataille dans L’Érotisme, et mène à une communication instable dont le sens reste à négocier entre les interlocuteurs.19 L’obscénité provoque par conséquent un caractère dynamique de la communication, un mot obscène qui provoque n’est plus vecteur d’un sens fixe mais perturbe la communication normale. Cette perturbation du discours est très proche du tabou du cannibalisme, soit d’un cannibalisme concret, soit d’un cannibalisme codifié en symbole ; le cannibalisme est le symbole même de ‘ce qu’on ne fait pas’ et transporte des connotations du politiquement non-correct, du tabou et de la violence.
Les textes cannibales sont donc caractérisés par les moments de perturbation dans le discours, par l’intrusion des propos vulgaires dans des contextes formalisés comme une scène juridique. Il y a donc, dans la logique de Picabia, un lien entre l’obscénité et le mot ‘cannibalisme’, un lien qu’il thématise lui-même dans un autre de ses manifestes paru dans la revue Cannibale, le « Festival-manifeste-presbyte »20. Ce manifeste est le dialogue fictif entre un orateur et un spectateur. L’orateur commence par les propos suivants que nous connaissons déjà: « À mon dernier manifeste cannibale, je vous ai dit que le cul représente la vie comme les pommes frites et se vend comme l’honneur ? ». Le spectateur indigné répond : « Alors, ça va recommencer, toujours des grossièretés, des obscénités ? ».21 Ce qui suit est une réflexion sur l’obscénité et sur l’impossibilité de définir ce qui est obscène. Picabia crée donc un lien entre le motif du cannibalisme et des sujets comme une sexualité obscène, tout en s’interrogeant sur les normes qui définissent cette obscénité.
Le lien entre sexualité et cannibalisme n’est d’ailleurs pas nouveau. On trouve déjà dans une lettre d’Amerigo Vespucci (la lettre à Soderini) une scène dans laquelle un homme abat un être humain tandis qu’une femme caresse ses seins et ses intimités. Ce passage et toute l’iconographie autour des récits de voyages en Amérique au 16ème siècle ainsi que l’étymologie du mot « caraïbe » qui a les mêmes racines que « cannibale » montrent que la vision coloniale associe depuis des siècles l’Amérique latine avec le cannibalisme et aussi avec un vague érotisme.22 Il est donc peu étonnant que les auteurs sud-américains s’approprient de ce motif pour en subvertir le sens.

Le réseau des avant-gardes de la latinité

Avant de passer au traitement du cannibalisme dans des textes brésiliens, dans lesquels on trouve des stratégies pareilles (tout en ayant des implications postcoloniales), il convient de faire quelques remarques sur la proximité des courants d’avant-gardes. Dans un certain sens, les contacts entre les artistes européens et latino-américains forment un projet mondialisé qui ne se nourrit pas seulement des contacts entre Europe et Amérique latine. Les frontières géographiques et langagières sont généralement dépassées dans le contexte des avant-gardes. Il y a des contacts multiples, soit à Paris, soit à d’autres lieux de rencontre comme Zurich ou Berlin, mais aussi dans des villes latino-américaines. Dans un tel réseau, le peintre italien Giorgio de Chirico peut avoir influence sur André Breton et il est possible qu’un Italien, né en Egypte, comme Marinetti, le père fondateur des avant-gardes, ait écrit une grande partie de son œuvre en français, pour ne nommer que ces deux exemples.
Les contacts des artistes ne s’arrêtent pas aux frontières continentales et sont multiples et fructueux pour les deux côtés. Les contacts professionnels et les amitiés ne se développent pas seulement à Paris, cette ville qui est pour Jean-Claude Villegas la capitale littéraire de l’Amérique latine, comme le montre le titre d’un de ses livres23. Il y a certes des auteurs américains qui vivent ou séjournent à Paris, mais il y a aussi des artistes importants et puissants de l’Europe qui voyagent en Amérique latine pour des conférences ou des lectures ou, tout simplement, pour échanger des idées avec des collègues du Nouveau monde. En 1918, Marcel Duchamp visite l’Argentine, en 1926 Marinetti fait des longs séjours au Brésil et en Argentine, pour ne nommer que deux exemples qui jouent un rôle important dans le dialogue transculturel des artistes d’avant-garde. Cela se montre entre autres dans les nombreuses dédicaces paratextuelles, le Suisse Blaise Cendrars (qui a séjourné plusieurs fois au Brésil) dédie p. ex. quelques poèmes au Brésilien Oswald de Andrade et vice versa. Oswald de Andrade, lui, entreprend en 1912 un voyage en Europe, prend connaissance du manifeste de Marinetti et retourne plein de fascination pour les avant-gardes européennes.24
Ce ne sont pas seulement des contacts personnels qui mènent à ce dialogue transcontinental, ce sont aussi les textes importants qui circulent vite entre les continents. Le premier manifeste du futurisme de Marinetti, écrit en 1909, parait peu après sa première publication dans Le Figaro par le truchement du poète nicaraguayen Rubén Darío à Buenos Aires et est accueilli par les intellectuels sur place.25 Le fait qu’un Nicaraguayen arrange la publication d’un manifeste écrit en français par un Italien montre le caractère dynamique et mondialisé de la scène des avant-gardes internationales. Il est donc peu étonnant de retrouver dans la littérature des avant-gardes latino-américaine de nombreux motifs qui sont bien connus des manifestes et poèmes européens. Il est difficile d’en dégager une influence concrète, mais il reste à constater qu’il y’a des analogies dans les esthétiques et expérimentations formelles des avant-gardes des deux continents26, même s’ils gardent des différences dues à leur origine.

Le cannibalisme chez Mario et Oswald de Andrade

L’exemple le plus important de la présence du cannibalisme dans la littérature latino-américaine est sans aucun doute le « Manifesto antropófago » du Brésilien Oswald de Andrade publié en 1928. Dans ce manifeste ainsi que dans plusieurs petits textes parus dans une revue intitulée Revista de Antropofagia, le cannibalisme est, comme dans les textes de Picabia, le symbole même de la provocation, de la violence et d’un état sauvage. Avec la différence que cette fois-ci le cannibalisme n’est pas le symbole de l’altérité, mais un élément important pour la construction d’une identité brésilienne.
Oswald de Andrade (1890-1954) est l’initiateur de la fameuse « Semana de arte moderna » (qui se tint en 1922, dans le cadre du centenaire de l’Indépendance brésilienne) au théâtre de São Paulo, et par conséquent un des personnages les plus importants pour le débat sur l’affirmation d’une identité culturelle brésilienne. Comme les avant-gardistes européens, de Andrade est à la recherche d’une issue d’un certain malaise. Ses textes sont également imprégnés par un sentiment de ‘malaise dans la culture’, de nouveau, c’est l’état sauvage et le cannibalisme (ou plus concrètement l’anthropophagie27) qui symbolisent l’issue. Mais cette fois-ci, ce malaise est aussi dû à un état postcolonial ; la culture mal-aimée est une culture importée et la recherche d’une identité brésilienne signifie aussi une libération des vestiges de la colonisation et la christianisation portugaises. Les manifestes anthropophages sont par conséquent loin d’être ce simple jeu intellectuel et artificiel qu’est le dadaïsme.
On ne peut pas comprendre le mouvement anthropophagiste si on ne considère que le contexte brésilien ; l’anthropophagie brésilienne est une réaction provoquée par des discours d’ailleurs. Le motif du cannibalisme dans la littérature brésilienne est entre autres une réaction aux représentations stéréotypées dans les récits de voyage des colonisateurs ou des missionnaires européens de la période de la découverte du Nouveau monde. La précitée ethnologue allemande Astrid Wendt a collectionné et analysé des récits de voyage et des iconographies européens (italiens, espagnols, allemands, néerlandais et portugais) et montré comment le cannibalisme est devenu dans une perspective européenne au 16ème siècle une image pour l’altérité barbare et un élément central pour représenter les indigènes brésiliens. Il n’est pas un hasard que les auteurs modernistes qui sont à la recherche d’une identité collective reprennent ce motif pour se l’approprier. Pour Oswald de Andrade, une scène de cannibalisme marque même le début de l’histoire brésilienne. La date fondatrice du Brésil est d’après lui l’an 1554, l’année dans laquelle, d’après la légende, des Indiens Tupi ont attrapé et mangé l’évêque portugais Sardinha. D’où le manifesto antropófago est daté « Ano 374 da Deglutição do Bispo Sardinha / l’an 374 de la Déglutition de l’évêque Sardine »28. Or, il est frappant de voir que le traitement brésilien du motif est très proche du traitement européen, tout en gardant ses propres implications.
Qu’est-ce que le manifeste et les textes anthropophages réclament ? Les textes de Oswald de Andrade sont contre l’académisme, contre l’église, contre le progrès et contre les sublimations. Ils sont à l’inverse pour la corporalité, pour les instincts, pour le concret et pour un état enfantin. Le parrain théorique de ce programme est Sigmund Freud, qui est cité plusieurs fois dans les manifestes, l’exclamation enthousiaste « Vive Freud ! » en est le point culminant29. C’est surtout son texte Totem und Tabu qui imprègne les textes.

Dans cet essai psycho-ethnologique30, paru dans une série d’articles en 1912 et 1913 dans la revue Imago, Freud traite les systèmes d’ordre des peuples dits primitifs, notamment des ethnies australiennes, et leur organisation sociale totémique. Dans leur organisation sociale on trouve un lien entre le totémisme et l’exogamie : La société est divisée en plusieurs clans totémiques ; les totems créent un système symbolique conjurant les instincts et pulsions, interdisant p.ex. d’avoir des contacts sexuels avec le membre du même clan totémique. Ceci s’avère être un moyen efficace pour éviter des incestes. Dans la logique de Freud, c’est le totem qui organise la société ; le système totémique est un système d’ordre civilisateur préservant les membres d’un groupe de l’infraction du tabou ; les totems créent et gardent le tabou et, ce faisant, créent une civilisation. Freud mentionne d’ailleurs aussi le cannibalisme dans son essai. Selon lui, les cannibales, « diese armen, nackten Kannibalen »31 (« ces pauvres cannibales nus ») sont le cas modèle pour des êtres régis par leurs instincts.

Un état instinctif est cependant un idéal pour Oswald de Andrade. Les artistes anthropophages modifient ce modèle de Freud. Comme ils sont contre tout raffinement de l’existence humaine, « contra a realidade social, vestida e opressora, cadastrado por Freud » (« contre cette réalité sociale, habillée et répressive, répertoriée par Freud »)32, ils élèvent le tabou à un idéal. Le cannibalisme est pour Oswald de Andrade un symbole pour un tel tabou. L’anthropophagie est pour lui la « transformação permanente do Tabu em totem » / « transformation permanente du Tabou en totem »33). Ainsi, selon de Andrade, il ne faut pas respecter le tabou, mais le briser ; assumer et vivre le tabou devient une libération des contraintes et règles culturelles. Le tabou devient lui-même un totem, c'est-à-dire un symbole représentant et guidant une société. Prôner le tabou est pour Oswald de Andrade le seul moyen pour se libérer du joug colonisateur et de créer une identité brésilienne qui se diffère de celle européenne qui respecte le tabou: « Só a Antropofagia nós une » /« Seule l’anthropophagie nous unit ».34
Ce recours à Sigmund Freud montre que de Andrade ne réclame pas une autonomie totale de la culture brésilienne en niant tous les discours provenant de l’Europe. Au contraire : il intègre des textes, des stéréotypes et des discours européens dans son texte, tout en les ‘cannibalisant’ (c'est-à-dire en les modifiant).35 La décontextualisation des textes européens dans un manifeste brésilien modifie ceux-ci ; on a affaire à un cas modèle d’appropriation postcoloniale et à une interdépendance littéraire au sein de la latinité.
Que signifie une identité cannibale pour Oswald de Andrade ? Les raisons sont une carnavalisation des valeurs existantes, l’évocation d’un état pré-colonial sauvage et une opposition nette à l’identité européenne tout en intégrant des discours européens dans le texte. De Andrade est à la recherche d’une existence primitive, mais pas dans un sens lévy-bruhlien : « A existência palpável da vida. E a mentalidade pré-lógica para o Sr. Lévy-Bruhl estudar. » / « Palper la vie. Et laisser M. Lévy-Bruhl étudier la mentalité prélogique ».36 L’identité brésilienne se constitue d’après de Andrade de la vie même et non pas des discussions sur ou des codifications de la vie. L’identité brésilienne est d’après lui anti-intellectualiste et régie par des instincts : « née davantage des besoins d’un peuple que des raffinements de l’intelligence d’un homme ».37 L’état de l’enfant analphabète est pour lui un idéal. Les sublimations des instincts, pour Freud un trait caractéristique de la culture, sont importées, « trazidas nas caravelas » / « apportés par les caravelles »38. Il préconise une certaine immédiateté et naïveté : « somos concretistas / nous sommes concrétistes »39. C’est le mot anthropophagie dans un sens symbolique qui réunit et encadre tous ces aspects.
Mais, comme dans le cas de Picabia le cannibalisme désigne aussi et peut-être avant tout la provocation, la violence et le tabou, mais cette fois-ci avec des implications postcoloniales. Ce qui est considéré comme l’Autre dans un contexte français est l’incarnation du propre dans les manifestes brésiliens d’Oswald de Andrade. Et tout comme le contexte français, le cannibalisme se vide de sa référence originelle. Il est peu étonnant qu’on voit sur le tableau intitulé Abaporu (1928, ce qui signifie « anthropophagie » dans la langue des Tupi) de Tarsila do Amaral, la partenaire d’Oswald de Andrade, un être grotesque avec des membres démesurés, mais pas de scène de cannibalisme. Malgré cela, le tableau a donné le nom au mouvement de l’Antropofagia. Il s’agit donc d’un discours partagé des deux côtés de l’Atlantique et pas du phénomène concret. Dans le contexte de la latinité il est à retenir que le motif du cannibalisme en Europe a ses sources dans la rencontre des voyageurs avec l’Amérique latine et que le motif du cannibalisme au Brésil est une réaction au traitement européen.

Le roman Macunaíma. O herói sem nenhum caráter de Mario de Andrade40, le deuxième texte central du modernismo brésilien, également publié en 1928, est, même si Mario de Andrade a toujours refusé d’être un membre du mouvement, une bonne illustration de l’esthétique anthropophage, définie par Oswald de Andrade comme « la beauté naturelle, laide, brute, agreste, barbare, illogique »41. Dans ce roman, basé sur des mythes et légendes de certaines sociétés indigènes brésiliennes, paradoxalement inspiré par des écrits de l’ethnologue allemand Theodor Koch-Grünberg, on trouve aussi un décor et des actions sauvages ; les scènes du cannibalisme n’y font pas défaut. Il est question d’un ogre redouté, le géant Piaimã, mais aussi le héros Macunaíma ou d’autres personnages ne refusent pas la chair humaine. Une scène fameuse traite du géant qui tombe dans la pâte fumante où il est dévoré par son épouse. De nouveau, l’apparition du cannibalisme est très souvent liée à l’obscénité. Tout le roman est marqué par le registre de l’obscène, mais aussi du grotesque, c'est-à-dire des scènes qui dépassent les normes du politiquement correct et des personnages qui dépassent les normes corporelles. Parler du cannibalisme dans un tel contexte signifie donc aussi de dépasser la normalité.

Conclusion

Les deux textes des deux Andrade sont considérés comme des textes centraux de la culture brésilienne. Les motifs qui sont bien connus du contexte européen obtiennent un nouveau sens. Des images ou des discours qui sont, dans les avant-gardes européennes, l’expression d’altérité et des perspectives alternatives qui se différencient du malaise culturel européen, peuvent, sans perdre leur dimension provocatrice et destructrice, devenir des constituantes d’un discours d’identité.
Il y a quand même une différence. Les avant-gardes européennes sont, il est vrai, une opposition aux valeurs bourgeoises et un certain esprit du temps ; les textes littéraires, les peintures et les performances sont quand même plutôt intellectuels et artificiels. L’altérité qu’on préconise est une altérité virtuelle ou « codifiée » comme dirait Oswald de Andrade. Tout comme les Poèmes nègres ne sont pas toujours aussi noir, comme les Impressions d’Afrique de Raymond Roussel sont un jeu textuel sans référence à l’Afrique, comme les masques de Picasso sont désacralisés et coupés de leurs origines, le cannibalisme n’est qu’un signe vidé de son sens et rempli d’un programme esthétique.
Certes, Mario de Andrade et Oswald de Andrade utilisent le cannibalisme également dans un sens symbolique. Mais les écrivains brésiliens font semblant de prendre l’aspect sauvage au mot. Oswald de Andrade cite Oswald Costa : « Ce que nous voulons, c’est la simplicité et non pas un nouveau code de simplicité. » Il compare l’anthropophagie brésilienne avec l’acte de la communion chrétienne pour souligner la particularité brésilienne: « La propre communion, en dernière analyse, n’est rien de plus qu’un acte d’anthropophagie réduite lâchement à un symbole »42. Oswald et Mario de Andrade essayent de mettre en scène la culture brésilienne comme étant plus radicale et plus immédiate. Ils refusent toute virtualité, tout code, tout symbole et tout système sémiotique secondaire, ils prônent le concret, l’authentique, l’immédiat et le barbare dans un sens de ‘non corrompu par la civilisation’. L’état sauvage est pour eux l’état originel, qu’ils réclament pour eux.
Or, pour ce faire, ils utilisent aussi un symbole ou un code, l’image du cannibalisme, et des stratégies littéraires pareilles aux avant-gardistes européens. Mais une certaine incohérence et des paradoxes sont peut-être le dilemme de tout manifeste et de tout courant d’avant-garde, des courants qui impliquent toujours leur propre échec. De ce point de vue, les avant-gardes européennes et brésiliennes se ressemblent aussi ; ce qui montre que les courants avant-gardistes sont des phénomènes transculturels ne se laissant pas encadrer dans des délimitations géographiques.

Littérature

Andermann Jens, « Antropofagia. Fiktionen der Einverleibung », in Verschlungene Grenzen. Anthropophagie in Literatur und Kulturwissenschaft, Keck Annette, Kording Inka, Prochaska Anja (dir.), Tübingen, Gunter Narr 1999, p. 19-31. Lestringant Frank, Le cannibale: grandeur et décadence, Paris, Perrin, 1994.
Bataille Georges, L’érotisme, Paris, Minuit, 1957.
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Freud Sigmund, Das Unbehagen in der Kultur und andere kulturtheoretische Schriften, Frankfurt/Main, Fischer, 1997.
Freud Sigmund, Totem und Tabu. Einige Übereinstimmungen im Seelenleben der Wilden und der Neurotiker, Frankfurt/Main, Fischer, 1964.
Fulda Daniel, Das Andere essen: Kannibalismus als Motiv und Metapher in der Literatur, Freiburg im Breisgau, Rombach, 2001.
Kohler Héliane, « Memórias sentimentais de João Miramar: Un roman de montage. L’esthétique moderniste d’Oswald de Andrade », in Mélanges offerts à Albert Dérozier, Paris, 1994, p. 369-386.
Maran René, Batouala. Véritable roman nègre, Paris, Magnard 2002.
Nunes Benedito, Oswald canibal, São Paulo, Ed. Perspectiva, 1979.
Osorio Tejeda Nelson, « La recepción del manifiesto futurista de Marinetti en América Latina », Revista de Critica Literaria Latinoamericana, 8.15 (1982), p. 25-37.
Pales Matos, Luis, Poesia completa y prosa selecta, Caracas, Ayacucho, 1978.
Picabia Francis, « Festival-manifeste-presbyte », in, Picabia Francis, Écrits critiques, Paris : Mémoire du livre 2005, p. 325-326.
Picabia Francis, « Manifeste Cannibale Dada », in, Picabia Francis, Écrits critiques, Paris : Mémoire du livre 2005, p. 307-308.
Porra Véronique, L’Afrique dans les relations franco-allemandes entre les deux guerres. Enjeux identitaires des discours littéraires et de leur réception, Frankfurt/Main, IKO, 1994.
Riaudel Michel, « L’anthropophagie, une singularité du modernisme brésilien? », in Le modernisme brésilien, Olivieri-Godet Rita / Boudoy Maryvonne (dir.), Université Paris 8, Vincennes-St. Denis, 2000, p. 34-44
Rimbaud Arthur, « Mauvais sang », Poésies Une saison en enfer. Illuminations, Paris, Gallimard, 1984, p. 124-131.
Tzara Tristan, « Poèmes nègres », in, Tzara Tristan, Œuvres complètes, tome 1, 1912-1924, Paris, Flammarion, 1975, p. 441-489
Villegas Jean-Claude, Paris, capitale littéraire de l’Amérique latine, Dijon, EUD, 2007.
Wendt Astrid, Kannibalismus in Brasilien, Frankfurt/Main et al., Peter Lang, 1989.


1 Cf. par exemple Lestringant Frank, Le cannibale: grandeur et décadence, Paris, Perrin, 1994; Fulda Daniel, Das Andere essen: Kannibalismus als Motiv und Metapher in der Literatur, Freiburg im Breisgau, Rombach, 2001.

2 Cf. par exemple Riaudel Michel, « L’anthropophagie, une singularité du modernisme brésilien? », in Le modernisme brésilien, Olivieri-Godet Rita / Boudoy Maryvonne (dir.), Université Paris 8, Vincennes-St. Denis, 2000, p. 34-44; Andermann Jens, « Antropofagia. Fiktionen der Einverleibung », in Verschlungene Grenzen. Anthropophagie in Literatur und Kulturwissenschaft, Keck Annette, Kording Inka, Prochaska Anja (dir.), Tübingen, Gunter Narr 1999, p. 19-31.

3 Ette Ottmar, ZwischenWeltenSchreiben. Literaturen ohne festen Wohnsitz (ÜberLebenswissen II), Berlin, Kadmos 2005.

4 « [M]an möchte sagen, die Absicht, daß der Mensch ‘glücklich’ sei, ist im Plan der Schöpfung nicht enthalten. », Freud Sigmund, Das Unbehagen in der Kultur und andere kulturtheoretische Schriften, Frankfurt/Main, Fischer, 1997, p. 42.

5 Cf. Rimbaud Arthur, « Mauvais sang », Poésies Une saison en enfer Illumations, Paris, Gallimard, 1984, p. 124-131.

6 Rien qu’à penser aux masques de Picasso ou aux textes de Philippe Soupault, de F. T. Marinetti, de Blaise Cendrars et beaucoup d’autres.

7 Dans les Poèmes nègres de Tristan Tzara par exemple il est en même temps question d’Africains, d’Indiens, d’habitants des îles Fidji, des Aborigènes et d’autres (cf. Tzara Tristan, « Poèmes nègres », in Tzara Tristan, Œuvres complètes, tome 1, 1912-1924, Paris, Flammarion, 1975, p. 441-489).

8 de Andrade Oswald, « Pourquoi je mange »,in de Andrade Oswald, Anthropophagies, traduits du brésilien par Jacques Thériot, Paris, Flammarion, 1982, p. 293.
Je cite d’une anthologie de textes « anthropophages » (romans et manifestes) traduits en français. Cette anthologie en langue française a l’avantage de réunir beaucoup de textes ‚mineurs’ et dispersés, qui ne sont que difficilement disponibles en langue originale. Quand je cite, dans la suite, dans la langue originale des textes d’Oswald de Andrade, je me réfère à la version disponible du Manifesto antropófago en ligne, traduite et commentée par Michel Riaudel : http://www.revue-silene.com/images/30/extrait_143.pdf; 27/09/2010.

9 de Andrade Oswald, op. cit., p. 295.

10 Maran René, Batouala. Véritable roman nègre, Paris, Magnard 2002; Benoît Pierre, Monsieur de la Ferté, Paris, Albin Michel, 1934.

11 Pales Matos, Luis, Poesia completa y prosa selecta, Caracas, Ayacucho, 1978, p. 150.

12 Le courant artistique autour des figures phare comme Oswald de Andrade et Mario de Andrade est connu sous le nom de ‚modernismo’. L’influence du futurisme et Marinetti surtout sur Oswald de Andrade et les stratégies littéraires (provocations artistiques, préférence générique pour les manifestes, textes expérimentaux etc.) permettent de voir dans le modernismo un courant d’avant-garde.

13 Nunes Benedito, Oswald canibal, São Paulo, Ed. Perspectiva, 1979, p. 14-16.

14 Porra Véronique, L’Afrique dans les relations franco-allemandes entre les deux guerres. Enjeux identitaires des discours littéraires et de leur réception, Frankfurt/Main, IKO, 1994, p. 151.

15 Les propos suivants dans cette partie sont partiellement repris de mon article « Lieu lointain ou lieu commun? – L’image de l’Afrique dans les avant-gardes européennes », qui paraîtra 2011 dans Gérard Peylet/Michel Prat, L’Esprit des lieux, Bordeaux : collections Eidôlon.

16 Picabia Francis, « Manifeste Cannibale Dada », in, Picabia Francis, Écrits critiques, Paris : Mémoire du livre 2005, p. 307-308.

17Op. cit., p. 307.

18 Op.cit., p. 307.

19 Cf. Bataille Georges, L’érotisme, Paris, Minuit, ansi standards  1957, p. 22f. et p. 238.

20 Picabia Francis, « Festival-manifeste-presbyte », in, Picabia Francis, Écrits critiques, Paris : Mémoire du livre 2005, p. 325-326.

21 Op.cit., p. 325.

22 Cf. Wendt Astrid, Kannibalismus in Brasilien, Frankfurt/Main et al., Peter Lang, 1989.

23 Villegas Jean-Claude, Paris, capitale littéraire de l’Amérique latine, Dijon, EUD, 2007.

24 Kohler Héliane, « Memórias sentimentais de João Miramar: Un roman de montage. L’esthétique moderniste d’Oswald de Andrade », in Mélanges offerts à Albert Dérozier, Paris, 1994, p. 369f.

25 Osorio Tejeda Nelson, « La recepción del manifiesto futurista de Marinetti en América Latina », Revista de Critica Literaria Latinoamericana, 8.15 (1982), p. 25-37.

26 Kohler montre les proximités en décrivant les activités artistiques de la « Semaine d’art » (cf. Kohler 1994).

27 Le mot est peut-être calqué sur le mot « anthropologie », très à la mode à l’époque. L’opposition brésilienne à une discipline scientifique européenne devient plus clair en utilisant le mot ‚anthropophagie’ au lieu de ‚cannibalisme’ et illustre les stratégies anthropophages: Les artistes engloutissent les discours européens et les modifient, le digèrent, à leur goût.

28 de Andrade Oswald, Antropophagies, p. 275.

29 Ibid.s, p. 302.

30 Freud Sigmund, Totem und Tabu. Einige Übereinstimmungen im Seelenleben der Wilden und der Neurotiker, Frankfurt/Main, Fischer, 1964.

31 Freud, op.cit., p.8.

32 de Andrade Oswald, Anthropophagies, p. 275.

33 Ibid., p. 275.

34 Ibid., p. 267.

35 Michel Riaudel montre dans les commentaires de sa traduction du manifeste combien de textes européens se cachent dans le manifeste (http://www.revue-silene.com/images/30/extrait_143.pdf; 27/09/2010).

36 de Andrade Oswald, Anthropophagies, p. 268.

37 Ibid., p. 289.

38 ibid., p. 272.

39 Ibid., p. 274.


40 de Andrade, Mario Macunaíma o herói sem nenhum caráter, Belo Horizonte, Garnier, 2004.

41 De Andrade Oswald, Anthropophagies, p. 290.

42 Ibid., p. 291.


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- Auteur : Thorsten Schüller (Johannes Gutenberg-Universität Mainz)
- Titre : Cannibalisme transcontinental dans les avant-gardes françaises et brésiliennes – La négociation d’identités et d’altérités latines à travers le motif de l’anthropophagie
- Date de publication : 14-09-2011
- Publication : Revue Silène. Centre de recherches en littérature et poétique comparées de Paris Ouest-Nanterre-La Défense
- Adresse originale (URL) : http://www.revue-silene.comf/index.php?sp=comm&comm_id=76
- ISSN 2105-2816