Damien Dauge, chercheur associé au CEREdI, Université de Rouen Normandie
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Flaubert est le témoin attristé de la démocratisation de la musique. Tandis que selon l’esthétique classique, quelqu’un qui n’était ni interprète ni compositeur et n’avait reçu aucune formation musicale ne méritait pas de faire partie des musiciens, la première moitié du XIXe siècle a vu s’élargir considérablement ce corps social dans les mentalités. « Composer, interpréter, écouter, aimer, détester, bref faire de la musique, explique Nicholas Cook, met [désormais] sur le même plan tous ceux qui s'y impliquent. »1 Danièle Pistone décrit l’ouvrage que publie Fétis en 1834, La musique mise à la portée de tout le monde2, comme un « exposé succinct de tout ce qui est nécessaire pour juger de cet art, et pour en parler sans l’avoir étudié »3. Que tout un chacun se proclame musicien, voilà un effet de l’idéologie de son temps que Flaubert ne manque pas de fustiger dans ses œuvres. Le Dictionnaire des idées reçues synthétise cette illusion à l’entrée « Musicien » : « Le propre4 du véritable musicien, c’est de ne composer aucune musique, de ne jouer d’aucun instrument, et de mépriser les virtuoses. » Les réserves de Flaubert à l’encontre de la musique n’ont rien d’une belle mélophobie, dirigée contre de grands compositeurs ou de grandes œuvres du répertoire. De fait, Flaubert livre bien peu de considérations sur la musique savante. Il ne condamne pas tant la musique, même la petite musique, que les piètres amateurs et, de façon plus insidieuse, les médiocres auditeurs. Mélomanophobe, il observe avec une oreille scrutatrice les mauvaises raisons qui poussent tout un chacun à écouter, à aimer et s’approprier la musique, mais aussi les mauvaises façons qu’a la musique de se propager dans les oreilles.
Dans « L’aperçu sur la musique classique et sur la musique romantique » que rédige Berlioz en 1830, on trouve une critique des mauvaises écoutes dont fait preuve le public mélomane :
Voyez un parterre de province, et même d'une capitale, écoutant un opéra ; si le chanteur laisse échapper un son faux ou seulement douteux, le public manifestera spontanément son malaise et son mécontentement, mais la musique qu'il entend fût-elle une valse au lieu d'une marche funèbre, une contredanse au lieu d'un air de fureur, si le dessin mélodique est gracieux et le rythme rapide, personne ne sera choqué, on trouvera tout cela charmant, on sera peut-être même transporté, le compositeur sera couronné et toute une population divinisera comme le plus grand des artistes l'ingénieux industriel qui se moque d'elle.5
Quinze ans plus tard, Flaubert pointe à son tour les mauvaises écoutes parmi les perceptions d’amateurs :
[Jules] n’allait plus dans aucun théâtre, parce que les sifflets l’empêchaient de goûter les plus beaux morceaux, et qu’il souffrait trop en entendant certains applaudissements. […] Admirait-il un tableau, il trouvait des gens qui se pâmaient devant la manière dont le peintre avait imité les boutons de l’habit ; si c’était un concerto de Beethoven il en voyait qui bâillaient ou qui trépignaient à la première note.6
Mais derrière la caricature pourrait se jouer quelque chose de grave. Car Flaubert conteste l'idée que l’écoute serait neutre, passive, inoffensive. On sait toute l’importance qu’il accorde à la perception. À Maupassant, Flaubert demande : « Avez-vous jamais cru à l'existence des choses ? Est-ce que tout n'est pas une illusion ? Il n'y a de vrai que les “rapports”, c'est-à-dire la façon dont nous percevons les objets »7. La façon d’écouter pourrait avoir plus de conséquences qu’on ne pourrait le croire. Une mauvaise écoute pourrait représenter un véritable danger existentiel. Dans La Tentation de saint Antoine, on trouve ce passage :
ANTOINE
Oh ! oui, parlez-moi de la ville des papes !
APOLLONIUS
Un homme ivre nous accosta, qui chantait d'une voix douce. C'était un épithalame de Néron ; et il avait le pouvoir de faire mourir quiconque l'écoutait négligemment. Il portait à son dos, dans une boîte, une corde prise à la cithare de l'Empereur.8
Peut-on, à proprement parler, mourir pour une écoute distraite ? Que nous dit l’écoute musicale de la psychologie des personnages ? L’écoute se déploie dans les romans flaubertiens sous la forme de luttes : entre un personnage et une forme sonore ou musicale, entre un personnage et des instruments, entre un personnage et sa propre écoute. Les ingérences fréquentes du narrateur pourraient être le signe que les enjeux dépassent de loin l’anecdote des échecs musicaux.
La discrète représentation de la musique semble se convertir, chez Flaubert, en une attention poussée accordée aux différentes postures d’écoute et aux multiples modes de réception de la musique. Cette conversion à l’œuvre au cœur de l’écriture flaubertienne a déjà été étudiée, non pas pour l’écoute, mais pour le regard. C’est ce qu’exprime ainsi Bernard Vouilloux :
L’absence de références explicites à des œuvres peintes dans le discours narratif flaubertien ne traduit donc pas une indifférence à l’égard du fait pictural, mais une profonde défiance à l’égard des postures énonciatives (interpréter, juger) qu’il suscite. À la différence d’un Stendhal, qui se veut critique et amateur, ou d’un Balzac qui, en « curieux » qu’il est, pose en connaisseur, Flaubert, contrairement aux Goncourt, ne veut assumer aucun des rôles disponibles qui se répartissent à la périphérie du monde de l’art : pas plus ceux de l’amateur, du connaisseur ou du collectionneur, que celui du critique.9
Alors que Gisèle Séginger propose d’ajouter « aux contextes épistémologiques et socio-historique » « celui des façons de voir, des choix impliqués, de la perception et du découpage du sensible à une certaine époque »10, il faut aussi replacer l’œuvre flaubertienne, et certainement en priorité Madame Bovary, dans le cadre des différentes modalités, nouvelles ou renouvelées, de recevoir la musique.
De quelle façon la musique envahit-elle l’écoute, les univers auditifs des personnages ? Il faudra être attentif aux modes d’écoute dans les deux sens du terme : non seulement, au masculin, les formes particulières que peuvent revêtir les perceptions auditives ; mais aussi, au féminin, les manières passagères d’écouter, du temps de Flaubert.
Écouter sans distinguer
Une lettre, datée du 6 juillet 1852, contient, à travers plusieurs analogies, comme la matrice des positions de Flaubert sur l’écoute.
J’ai eu, aussi, moi, mon époque nerveuse, mon époque sentimentale, et j’en porte encore, comme un galérien, la marque au cou. Avec ma main brûlée j’ai le droit maintenant d’écrire des phrases sur la nature du feu. Tu m’as connu comme cette période venait de se clore, et arrivé à l’âge d’homme. Mais avant, autrefois, j’ai cru à la réalité de la poésie dans la vie, à la beauté plastique des passions, etc. J’avais une admiration égale pour tous les tapages ; j’en ai été assourdi et je les ai distingués.11
L’auteur décrit ici une transformation initiatique de ses convictions artistiques, qui a vu s’achever son « époque nerveuse » de « tapages » sentimentaux. La dernière phrase déploie une métaphore auditive, dans laquelle l’initiation aboutit à une écoute critique, qui distingue ce qu’elle avait d’abord confondu. Mais ne s’agit-il que d’une métaphore ? Flaubert parle, aussi, de l’écoute et plus précisément d’une trajectoire d’auditeur, décomposée en trois temps : l’admiration, l’assourdissement, et la distinction. Si l’on trouve, dans les fictions, des personnages à l’écoute, où se situent-ils vis-à-vis de ce cheminement auditif de l’auteur lui-même ? Les scènes d’audition sont maintes fois l’occasion de sentir, au détour de quelques mots, les ingérences d’un narrateur qui prend ses distances avec les écoutes des personnages. Il reste ainsi à lire ces intrusions discrètes, et à prendre la mesure de ces discrètes polémiques.
Dans L’Éducation sentimentale de 1845, l’écoute de Jules se trouve en échec :
Jules tâchait de découvrir une différence quelconque dans la monotonie de ces sons furieux – plaintifs et frénétiques tout ensemble ; il s’efforçait de les deviner et de saisir la pensée, la chose, le pronostic, le récit ou la plainte qu’ils voulaient exprimer. Mais son oreille n’entendait que les mêmes vibrations presque continues, stridentes, toutes pareilles et qui se prolongeaient les unes après les autres. Fatigué, irrité par elles, il usait cependant toutes les forces de son esprit à tâcher de les comprendre.
Et il implorait au hasard une puissance inattendue qui puisse le mettre en rapport avec les secrets révélés par cette voix, et l’initier à ce langage plus muet pour lui qu’une porte fermée.12
Pourtant, bien loin d’une scène d’écoute musicale, ces « sons furieux » sont en réalité les aboiements du chien errant qui le suit sur un long trajet. Le passage se conclut ainsi : « Mais rien ne se fit – rien n’arriva malgré les soubresauts de son intelligence pour descendre dans cet abîme – le vent soufflait, le vent bruissait, le chien hurlait. » Juliette Azoulai a mis en perspective cet échec d’un déchiffrement du langage animal : « c’est en vain que Jules tentera de saisir un esprit par-delà l’apparition sensible du chien, un sens distinct derrière les hurlements, pourtant expressifs, de l’animal ; il restera interloqué par une éloquence indéchiffrable »13. Il y aurait certainement un lien à tisser entre ces questions contemporaines, au XIXe siècle, sur l’existence d’un langage animal et celle d’un langage musical. Sous la plume de Flaubert, le lexique employé pour décrire ces aboiements se confond avec ses descriptions musicales. L’impossibilité qu’ont les personnages de distinguer par l’écoute rapproche momentanément Jules de Charles Bovary, qui ne remarque pas même la répétition d’un morceau, sous les doigts d’Emma :
Un soir que Charles l'écoutait, elle recommença quatre fois de suite le même morceau, et toujours en se dépitant, tandis que, sans y remarquer de différence, il s’écriait :
Bravo !..., très bien !... Tu as tort ! va donc !14
Un brouillon précisait que le morceau a beau changer, Charles n’adapte pas son écoute :
Quand elle faisait de la musique, il se posait en face d’elle, les deux coudes sur le piano, de l’autre côté du pupitre, si près que son menton frôlait le haut des pages, et il demeurait à l’écouter avec un plaisir égal, que ce fût une contredanse, des exercices ou une sonate.15
Non qu’il ne prenne de plaisir, sur le moment, à écouter la musique ; simplement, il se montre incapable d’en discriminer la moindre forme. L’officier de santé souffrirait ainsi d’une bêtise auditive pathologique ; attestée depuis 1892, l’amusie a été définie en 1926 de la façon suivante :
Privation de la faculté musicale. Genre d’idiotie congénitale ou accidentelle affectant des individus normaux sous d’autres rapports et qui ne sont pas privés du sens de l’ouïe, mais incapables de discerner les éléments du langage musical, la hauteur relative ou le timbre des sons et d’éprouver aucun effet sensoriel ou intellectuel à l’audition d’une musique simple ou compliquée. L’amusie complète est exceptionnelle. L’amusie accidentelle résulte d’un état morbide et ressortit au domaine de la pathologie cérébrale ou nerveuse.16
Chez Flaubert cette « incapacité à discerner [par l’oreille] des éléments du langage » ne concerne pas que la musique : l’écoute musicale, dans ses puissances comme ses défaillances, serait métonymique de toute écoute. Le langage n’a pas besoin d’être animal ou musical pour que l’oreille n’en perçoive « que les mêmes vibrations presque continues, stridentes, toutes pareilles ». Le langage des sentiments peut subir une confusion comparable à la musique :
[Léon] s’ennuyait maintenant lorsque Emma, tout à coup, sanglotait sur sa poitrine ; et son cœur, comme les gens qui ne peuvent endurer qu’une certaine dose de musique, s’assoupissait d’indifférence au vacarme d’un amour dont il ne distinguait plus les délicatesses.17
Quel que soit l’objet de leur écoute, ces personnages confondent, à l’oreille, ce qu’ils devraient distinguer. Plusieurs questions se posent : le problème vient-il davantage du langage écouté ou de l’oreille que l’on tend ? Tout le monde est-il touché par ces troubles de la faculté auditive ? Après tout, si des aboiements de chiens peuvent avoir l’air, sous la plume de Flaubert, d’une musique, c’est que l’écriture elle-même reproduit cette confusion. Il s’agit, en fait, de déterminer les responsabilités et de savoir si l’écoute ne pourrait pas, sous certaines conditions, produire quelque éclair de lucidité.
Entrécouter les romances
Dans l’histoire des oreilles d’Emma Bovary, peut-être se joue-t-il quelque chose de déterminant au moment où elle reçoit son éducation artistique, au couvent. Son oreille s’y formerait :
À la classe de musique, dans les romances qu'elle chantait, il n'était question que de petits anges aux ailes d'or, de madones, de lagunes, de gondoliers, pacifiques compositions qui lui laissaient entrevoir, à travers la niaiserie du style et les imprudences de la note, l'attirante fantasmagorie des réalités sentimentales.18
Certes, il n’est pas dit qu’Emma écoute mais chante ; mais la focalisation adoptée se situe du côté de la réception. La narrativisation rapproche ce passage de bien des descriptions d’albums d’images ou de romances19. Flaubert avait d’abord envisagé de prolonger l’énumération de clichés des romances italiennes :
Brouillons, vol. 1, folio 166v. http://www.bovary.fr/folio_visu.php?folio=1327 (I, chap. 6 : Lectures clandestines)
Ce n’est que sur le manuscrit définitif20 que l’auteur a ajouté dans la marge cette apposition dense qui donne une portée singulière au passage : « pacifiques compositions qui lui laissaient entrevoir, à travers la niaiserie du style et les imprudences de la note, l'attirante fantasmagorie des réalités sentimentales ». La parole semble détenue par le narrateur puisqu’on doute qu’Emma ait pu formuler un tel jugement critique sur le « style » et la « note ». Mais sa formulation s’avère des plus ambiguës.
D’une part, l’objet de cette perception est problématique, à savoir ce qui est désigné par l’expression finale de « fantasmagorie des réalités sentimentales ». Deux hypothèses se font concurrence21. Ou bien la fantasmagorie est inhérente aux « réalités sentimentales » – celles-ci sont toutes des fantasmagories – et définit l’amour comme un vaste jeu de dissimulation et de tromperies. Dans ce cas les romances disent la triste vérité du piège que sont les sentiments, ces chimères qui captivent par leur pouvoir d’illusion – c’est le sens abstrait de « fantasmagorie ». Ou bien la fantasmagorie désigne non pas les sentiments eux-mêmes, qui peuvent être authentiques et sincères, mais le piège de leur représentation artistique. Autrement dit cela signifierait que les romances laissent apparaître les ficelles du « spectacle », leur propre facticité en tant que représentations trompeuses de l’amour. La romance délivrerait ainsi une part de vérité sur nous-mêmes en même temps que sur son propre fonctionnement. Le terme de fantasmagorie apparaît d’ailleurs sous la plume de Peter Szendy à propos d’une forme moderne de romances : « Les tubes – Le Tube de Boris Vian en tête – parlent donc des tubes. Ils parlent d’eux-mêmes, de leur économie et de leur banalité, voire des fantasmes ou fantasmagories identificatoires qu’ils suscitent en tant que marchandises. »22 La connaissance entraperçue concernerait avant tout l’art en tant qu’il laisse croire à des conceptions illusoires des sentiments. Difficile a priori de trancher entre nos deux hypothèses. Dans les deux cas, l’unique occurrence dans Madame Bovary du mot « réalité » se trouve au cœur d’une savante machinerie d’illusion. On repense au sens premier de la fantasmagorie, spectacle dans une salle obscure, en vogue au début du XIXe siècle, d’illusions d’optique donnant l’impression d’apparitions surnaturelles.
Si l’objet à entrapercevoir est incertain, d’autre part, la perception elle-même s’avère troublée. La seconde ambiguïté de la phrase concerne en effet la nature du filtre qui rend cette vision partielle, de l’ordre de l’« entrevoir ». On ne peut distinguer ce qui dissimule, ce qui obstrue la perception, de ce qui au contraire la laisse passer. Ainsi, si « à travers » signifie en dépit de, dans ce cas ce sont les stéréotypes romantiques de madones et de gondoliers qui disent quelque chose des « réalités sentimentales », ou de leur représentation. Seul le style de la romance empêcherait Emma de comprendre intégralement la vérité. En ce sens la musique, fausse, ferait obstacle à la compréhension des paroles, vraies. « La musique nuit beaucoup aux paroles »23, affirme Charles… Si au contraire « à travers » signifie par le biais de, alors c’est l’esthétique dissonante et maladroite de la musique, d’une romance ou d’une barcarolle, qui permet de suggérer la façon dont ces représentations nous mentent sur les sentiments, ou la désolante réalité de l’amour et de la passion.
Du temps de son adolescence au couvent, la vérité que recèlent les représentations artistiques demeure pour Emma à l’état d’intuition, de suggestion, car elle se trouve doublement filtrée : quant à ses moyens et quant à son objet. À son tour, la langue, pour ne pas dire l’œuvre de Flaubert, fait l’effet sur le lecteur d’une grille en ne laissant qu’entrevoir le sens à privilégier parmi ces alternatives. Cette attention à l’écoute des romances pourrait faire ressentir une lacune de la langue elle-même : celle laissée par la disparition, en français moderne, du verbe entrécouter. Attesté depuis l’ancien français jusqu’au français classique avec le sens d’ « écouter à moitié, distraitement », on imagine ce verbe coexister aux côtés d’ « entrevoir » et entrapercevoir. Comme ces derniers, il désignerait aussi bien une écoute rapide ou superficielle, que le fait d’obtenir, cette fois par les oreilles, une idée imprécise, de percevoir une lueur soudaine de quelque chose d’ignoré jusqu’alors. Les romances auraient ainsi permis à Emma d’entrécouter le lien profond qui existe entre sa conception de l’amour et les représentations dont elle profite étourdiment.
S’écouter écouter l’opéra
La critique a souvent cherché à montrer en quoi le spectacle de Lucie de Lammermoor fonctionne, au moins pour un lecteur mélomane, comme une mise en abyme de l’intrigue de Madame Bovary24. D’autres ont pu replacer ce chapitre dans l’histoire littéraire : comme l’écrit Alan Raitt, « dans tout cela, il y a peutêtre aussi une vague parodie d'un des lieux communs des romans de l'époque : la visite à l'opéra présentée comme l'apogée d'une existence. »25 Certes il y a beaucoup à dire sur la caricature du ténor, la fascination que celui-ci exerce sur Emma ou encore quant à la façon dont l’héroïne semble renoncer à écouter l’opéra, avant même de quitter la salle prématurément. Mais le texte nous parle aussi du cheminement intérieur d’Emma comme spectatrice et auditrice de l’opéra : on pourrait trouver dans ce chapitre une forme de représentation de l’écoute musicale où serait mise à l’épreuve son oreille formée par les romances. Car l’opéra représenterait l’occasion rêvée pour Emma de faire retour sur sa propre écoute. C’est ce que voit Peter Szendy dans l’institution du concert :
Le concert public, depuis qu’il existe, est en effet une sorte de miroir des auditeurs. Ce n’est pas seulement le lieu pour entendre des œuvres. C’est aussi un théâtre où le public s’observe. Luimême. C’est un espace où l’on vient regarder ceux qui écoutent. Où l’on se rend pour voir écouter, voire pour écouter écouter. (S’)écouter écouter […]. 26
Le chapitre donne en effet l’occasion de découvrir l’héroïne non seulement face à une grande œuvre du répertoire, mais aussi face à une représentation de l’amour. Aussi la faculté d’illusion du personnage se trouve-t-elle directement sollicitée, occasionnant des moments, rares, d’introspection. À plusieurs reprises, on surprend Emma réfléchissant sur sa propre existence et sur son rapport à l’art. Suivons pas à pas la progression linéaire de ces véritables examens de conscience d’auditrice.
Emma fait d’abord l’expérience de la distance qui sépare son monde de celui représenté sur scène : « toutes ces imaginations s’agitaient dans l’harmonie comme dans l’atmosphère d’un autre monde »27. Puis elle en vient à reconnaître dans la représentation opératique un double du réel : « la voix de la chanteuse ne lui semblait être que le retentissement de sa conscience, et cette illusion qui la charmait quelque chose même de sa vie »28. L’identification fonctionne ici pleinement, aussi bien par les yeux que par les oreilles. Dès lors, l’héroïne entre dans un rapport didactique au spectacle, et non plus simplement mimétique. Il ne s’agit nullement d’une rêverie mais bien d’une véritable réflexion sur elle-même, sur sa propension à croire innocemment au bonheur illusoire d’un « autre monde ». La confrontation avec Lucie fait sur elle l’effet d’une révélation :
Pourquoi donc n’avait-elle pas, comme celle-là, résisté, supplié ? Elle était joyeuse, au contraire, sans s’apercevoir de l’abîme où elle se précipitait... Ah ! si, dans la fraîcheur de sa beauté, avant les souillures du mariage et la désillusion de l’adultère, elle avait pu placer sa vie sur quelque grand cœur solide, alors la vertu, la tendresse, les voluptés et le devoir se confondant, jamais elle ne serait descendue d’une félicité si haute. Mais ce bonheur-là, sans doute, était un mensonge imaginé pour le désespoir de tout désir. Elle connaissait à présent la petitesse des passions que l’art exagérait.29
Le discours indirect libre compromet l’identification des locuteurs. Or l’ambiguïté énonciative se révèle ici de première importance : quel est donc cet « abîme où elle se précipit[e] » ? S’il s’agit de la voix du narrateur, le terme prophétiserait toute la dernière partie du roman, celle de l’amère mort d’Emma, célèbre paronomase. Et les points de suspension indiqueraient l’ironie tragique de la prolepse. En revanche si l’on entend plutôt « l’abîme » non pas dans la voix du narrateur mais dans celle d’Emma, c’est que la jeune femme ferait preuve d’une lucidité assez rare en prenant acte des désillusions qui se sont succédé depuis son mariage. L’apitoiement de la phrase suivante émane, sans aucun doute, de cette parole intérieure. De fait, l’indétermination énonciative se trouve renforcée par le choix de l’imparfait (« elle était joyeuse ») qui, contrairement aux plus-que-parfaits qui l’encadrent, peut tout aussi bien s’appliquer au moment, en cours, de l’opéra, comme à celui, révolu, du mariage.
La dernière phrase ôte néanmoins l’incertitude majeure. Emma se rend bel et bien compte de l’écart qui sépare les « réalités sentimentales » de leur représentation artistique, et notamment musicale. La machinerie de l’Opéra surpasse les notes imprudentes et le style niais des romances, et entretemps, depuis sa jeunesse au couvent, ses grandes illusions de jeune fille sont tombées « dans la boue comme des hirondelles blessées »30. Emma « connaî[t] » désormais, à l’Opéra, le mensonge que les romances ne lui laissaient qu’« entrevoir », celui des trompeuses réalités sentimentales.
Mais la suite immédiate du passage s’avère tout aussi capitale.
S'efforçant donc d'en détourner sa pensée, Emma voulait ne plus voir dans cette reproduction de ses douleurs qu'une fantaisie plastique bonne à amuser les yeux, et même elle souriait intérieurement d'une pitié dédaigneuse, quand au fond du théâtre, sous la portière de velours, un homme apparut en manteau noir.31
Emma se désintéresse d’un même coup de la musique et de l’intrigue de l’Opéra. Mais comment s’y prend-elle pour « détourner sa pensée » ? Elle en vient à se boucher les oreilles au point que « tout pass[e] pour elle dans l'éloignement, comme si les instruments fussent devenus moins sonores et les personnages plus reculés »32. Plutôt que « ne plus voir […] qu’une fantaisie plastique bonne à amuser les yeux », elle aurait tout aussi bien pu fermer les yeux pour profiter exclusivement de la musique et ne plus entendre qu’un tapage sonore bon à amuser les oreilles. Certes on détourne plus facilement ses yeux que ses oreilles, qui elles, n’ont pas de paupières33. Mais cette prédilection pour la vue pourrait assurer que la musique, et notamment « la voix de la chanteuse »34, était bien en partie responsable de cette exagération artistique qui lui mentait.
Emma, bien sûr, est convaincue que ce n’est pas grâce à l’opéra mais malgré celui-ci qu’elle a appris ce mensonge. Mais on pourrait aussi considérer que ses oreilles, précisément, ne lui ont pas menti puisqu’elles lui ont fait découvrir ce qu’elle ignorait, à savoir que l’art mentait. C’était l’un des sens possibles de ce qu’elle avait entrevu ou entrécouté dans les romances : celles-ci parlaient d’elles-mêmes, de leur nature fantasmagorique. Grâce à cette introspection – ou, devrait-on dire, l’introaudition –, Emma aurait dû, dès lors, non pas se détourner de l’opéra pour le dénigrer, mais au contraire le suivre jusqu’au bout, et cesser, une fois sortie de la salle, de s’imaginer une félicité parfaite. Pourquoi Flaubert n’a-t-il pas fait de ce moment à l’Opéra le point de non-retour qu’il aurait pu être dans la vie d’Emma ? Tout se passe comme s’il avait fallu qu’Emma « s’efforc[e] donc de détourner sa pensée » … pour que Flaubert mène à bien son récit, qui menaçait de s’essouffler dans l’hypothèse où aucune nouvelle perspective amoureuse ne se serait annoncée pour l’héroïne. Surtout, ce récit se serait même certainement interrompu si Emma avait cessé de s’imaginer une « félicité parfaite ». En 1854, l’auteur enjoint à Louise Colet de se détourner de cette quête d’un bonheur impossible, comme s’il voulait éviter que sa maîtresse ne ressemble trop à son héroïne :
Ne sens-tu pas qu’il y a dans la vie quelque chose de plus élevé que le bonheur ? que l’amour et que la Religion, parce qu’il prend sa source dans un ordre plus impersonnel ? – Quelque chose qui chante à travers tout, soit qu’on se bouche les oreilles ou qu’on se délecte à l’entendre, à qui les contingents ne font rien, et qui est de la nature des Anges, lesquels ne mangent pas ? Je veux dire l’idée ? C’est par là qu’on s’aime, quand on vit par là.35
Flaubert, lui, a trouvé ce par quoi remplacer la quête de la félicité parfaite. La musique de l’idée semble pour lui un tapage d’un nouveau genre, qui « chante à travers tout ». À la fin de Madame Bovary, on découvre que même après sa liaison avec Léon, Emma n’a au contraire toujours pas renoncé à l’amour dont l’Opéra lui avait pourtant montré, et fait entendre, l’exagération :
Les premiers mois de son mariage, ses promenades à cheval dans la forêt, le Vicomte qui valsait, et Lagardy chantant, tout repassa devant ses yeux... Et Léon lui parut soudain dans le même éloignement que les autres. […] Mais, s'il y avait quelque part un être fort et beau, une nature valeureuse, pleine à la fois d'exaltation et de raffinements, un cœur de poète sous une forme d'ange, lyre aux cordes d'airain, sonnant vers le ciel des épithalames élégiaques, pourquoi, par hasard, ne le trouverait-elle pas ?36
C’est bien un conflit auditif qui oppose Emma et l’auteur, ou au moins son narrateur. D’où ce conflit auditif pourrait-il venir ?
L’écoute instrumentalisée
« Quelle effroyable propagation de mauvais dessin ne doit pas faire la Lithographie37 ! » Si Flaubert s’inquiète ouvertement, au moins dans sa correspondance, des conséquences de la reproduction technique sur les images, il n’est pas indifférent à la façon dont la musique se propage d’une façon nouvelle. Les décennies de la jeunesse de Flaubert coïncident avec un moment qui a pu préparer l’arrivée de l’enregistrement dont Walter Benjamin a jugé les effets domestiques : « La cathédrale quitte son emplacement pour entrer dans le studio d’un amateur ; le chœur exécuté en plein air ou dans une salle d’audition retentit dans une chambre »38. Quels sont donc, avant l’invention du phonogramme, les équivalents sonores des lithographies ? Le piano « indispensable dans un salon », selon Le Dictionnaire des idées reçues, résonne comme un écho démocratique, à l’ère de la révolution industrielle, du clavecin aristocratique. On y joue des réductions de symphonies, d’airs d’opéras.
« Aujourd’hui, où la culture musicale passe par les ondes magnétiques, le disque, le réseau virtuel, il est difficile de s’imaginer qu’il y a encore quelques générations, c’est par le biais du piano que la musique était entendue et diffusée »39. Par le biais du piano on découvre combien Emma est « l’incarnation effrayante de cet appétit “démocratique”40 » dont parle Jacques Rancière. La musique entre dans les foyers après avoir conqui les esprits. Dans Madame Bovary c’est surtout l’orgue de Barbarie qui se trouve chargé de faire circuler des airs musicaux entendus ailleurs. L’instrument, l’un des plus récurrents dans les fictions flaubertiennes, pourrait valoir comme emblème d’une façon nouvelle d’écouter la musique.
C'étaient des airs que l'on jouait ailleurs sur les théâtres ; que l'on chantait dans les salons, que l'on dansait le soir sous des lustres éclairés, échos du monde qui arrivaient jusqu'à Emma. Des sarabandes à n'en plus finir se déroulaient dans sa tête ; et, comme une bayadère sur les fleurs d'un tapis, sa pensée bondissait avec les notes, se balançait de rêve en rêve, de tristesse en tristesse.41
Jadis, seule la mémoire des auditeurs permettait de reproduire un air : une fois le concert achevé, on se rappelait vaguement « la ritournelle es notes envolées » 42 comme l’écrit Flaubert, à tâtons, dans un brouillon. Désormais, la reproductibilité de la musique est instrumentalisée, à la fois outillée et pervertie. Car l’orgue de Barbarie remet en cause l’intégrité de l’œuvre musicale. Dans Écoute, Peter Szendy rapporte que l’instrument mécanique a été l’objet du premier Congrès international sur le droit d’auteur musical qui s’est réuni à Bruxelles en 1858. L’éditeur italien de Verdi, Titus Ricordi, critique en ces termes cette reproductibilité nouvelle :
La première impression de cette musique sur le public a toute l’empreinte de la monotonie, de la discordance, de la vulgarité ; il en est rassasié et dégoûté d’avance ; c’est au point que, lorsqu’il vient plus tard à entendre la représentation originale, ce qui est neuf lui paraît vieux, le beau lui semble laid, la spontanéité n’est plus pour lui qu’une trivialité…43
Et si Emma avait fini par renoncer à écouter l’opéra parce que ces airs s’étaient déjà déroulés « à n’en plus finir » dans sa tête ? Flaubert ne fait pas seulement passer de façon métaphorique le mécanisme de l’instrument dans la tête de l’héroïne (« des sarabandes à n’en plus finir se déroulaient dans sa tête »). En effet, l’instrument est lui-même une matérialisation, sous forme de rouleaux de la conscience de l’auditeur qui grave dans sa mémoire la musique qu’il vient d’entendre. La métaphore qu’emploie Flaubert est donc doublement organomorphique : Emma intègre un mécanisme qui lui-même reproduit ce qui a toujours relevé de la mémoire auditive. Le corps et l’instrument se confondent, comme dans l’organologie. Emma incarne, à ce moment-là, une forme d’écoute mécanisée que Flaubert, en la représentant si fidèlement, dénonce discrètement.
Flaubert au procès des écoutes de province
Peter Szendy note que « c’est précisément dans ces mêmes années que les tribunaux se virent confrontés aux questions nouvelles soulevées par le développement et la diffusion des instruments de musique mécaniques »44. On trouve alors, « peut-être pour la première fois dans l’histoire de la musique occidentale, l’idée que le succès est une menace pour la création d’ “art” »45. On imagine, à peine un an après le premier, un second procès intenté à Madame Bovary, accusant cette fois le roman de ne pas condamner ces nouvelles écoutes de province, faisant par-là même outrage aux bonnes œuvres musicales46. Maître Ernest Pinard, l’avocat impérial, s’avance déjà à la barre : « Même quand son héroïne se met à chanter Le Lac, M. Flaubert ose ne pas citer le nom de M. Niedermeyer. Pire, l’auteur ne prend pas même la peine d’achever l’alexandrin immortel de M. de Lamartine,“"Un soir, t’en souvient-il, nous voguions en silence”, sinon par un dédaigneux “etc.” ! » Cette nouvelle attaque aurait une fois de plus manqué ce que fait Flaubert avec trop de discrétion : il est tout à fait possible que Flaubert condamne, dans la connotation discrète de la métaphore, l’écoute mécanisée d’Emma. Maître Jules Senard, avocat de la défense, préfère plaider pour le réalisme avec lequel Flaubert a dépeint les écoutes de province. Les situations musicales du roman se révèlent parfaitement vraisemblables et même étonnamment exhaustives pour dépeindre la vie provinciale au XIXe siècle. Eugène Bonnemère, historien de la paysannerie contemporain de Flaubert, semble ainsi résumer le parcours musical de Madame Bovary alors qu’il ne fait que décrire la réalité de son temps. L’étude paraît en 1856, l’année-même de la parution en feuilleton du roman.
Tandis que le paysan vocifère à pleine voix les rimes hardies et les hémistiches ambitieux des bardes du village (ironie évidente), l’ouvrier répète les refrains immortels de Béranger, les chants de Pierre Dupont les inspirations ravissantes d’Auber et de Donizetti, que la musique du régiment, l’orgue de Barbarie ou les chanteurs ambulants lui ont appris.47
On repense aux refrains de Béranger chantés par Léon, à l’air de Donizetti « Ô bel ange ma Lucie » que « braill[e]nt »48 les spectateurs à la sortie de l’Opéra, à l’orgue de Barbarie arrêté devant la fenêtre d’Emma et enfin au chanteur ambulant qu’est l’Aveugle. En suivant l’historien, on pourrait toutefois rétorquer que Flaubert a transposé dans la campagne cauchoise ce qu’il aurait connu en tant que citadin, par la fréquentation de ceux qu’Eugène Bonnemère nomme les « ouvriers ». Mais Maurice Agulhon, dans un article consacré à la culture populaire en France autour de 1848, souligne la façon dont Bonnemère « accentu[e] l’antithèse qui lui est chère entre le vide culturel de la campagne et les avantages de la vie urbaine »49.
Cette confrontation avec l’histoire sociale de son temps fait ainsi de Flaubert un observateur aguerri des relais de la musique à l’époque de sa démocratisation. Il faut bien comprendre le paradoxe : alors qu’il apparait très critique sur la mélomanie, non seulement Flaubert accorde à ces relais une existence romanesque mais il en dresse un panorama particulièrement exhaustif. Flaubert voit dans le roman « un mode d’opposition aux autres arts – ou de “résistance” »50, selon Isabelle Daunais :
Chercher à voir […] comment le moindre regard, en fait, enjolive, encadre et métaphorise, exigeait de la part de Flaubert qu’il renonce lui-même à enjoliver, à encadrer et à métaphoriser. Saisir le désir esthétique derrière tous ces tableaux nécessitait que son propre regard de romancier soit séparé de celui de ses personnages. Si la distinction peut sembler simplement technique, il ne faut pas s’y tromper, car suivre une telle hypothèse ce n’est plus faire du roman « la création moderne la plus immense », c’est-à-dire la plus englobante ou la plus œcuménique (accueillant le drame, la comédie, les caractères, les dialogues et les tableaux comme dirait Balzac) mais au contraire la plus dégagée, la plus distante et la plus sceptique.51
Afin de saisir comment la moindre écoute, elle aussi, « enjolive, encadre et métaphorise », il était nécessaire pour Flaubert de faire comprendre que sa propre écoute de romancier se distingue de celle de ses personnages, formée et déformée par tant de musiques.
1. Nicholas Cook, La Musique. Une très brève introduction [1998], Allia, 2006, p. 89.
2. François-Joseph Fétis, La Musique mise à la portée de tout le monde, Paulin, 1834.
3. Danièle Pistone, Le piano dans la littérature française. Des origines jusqu’en 1900, Honoré Champion, 1975, p. 228.
4. Plusieurs éditions dont celle de Stéphanie Dord-Crouslé transcrivent « propos ». Après vérification du manuscrit – nous l’en remercions –, il faut bien lire « propre ».
5. « L’aperçu sur la musique classique et sur la musique romantique », dans Le Correspondant, 22 octobre 1830, cité par Vincent Vivès, La Musique. Anthologie littéraire et philosophique, Buchet-Castel, 2011, p. 190.
6. L’Éducation sentimentale de 1845, Œuvres de jeunesse, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2001, p. 1049-1050.
7. Lettre de Flaubert à Guy de Maupassant, [9 ?] août 1878, Correspondance, édition établie par Jean Bruneau et, pour le tome V, par Jean Bruneau et Yvan Leclerc, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, t. V, p. 416. Dorénavant l’édition sera citée par l’abréviation Corr. suivie de la tomaison.
8. Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine (version de 1874), édition établie par Claudine Gothot-Mersch, Galli- mard, « Folio », 1983, p. 152.
9. « L’image gravée sur le réel. Entretien avec Bernard Vouilloux par Gisèle Séginger », Lettres modernes Minard, Caen, 2010, p. 178-179.
10. Gisèle Séginger (dir.) Flaubert et la peinture, Caen, Lettres Modernes Minard, 2010, p. 12.
11. Lettre à Louise Colet, 6 juillet 1852, Corr., t. II, p. 127.
12. L’Éducation sentimentale de 1845, op.cit., p. 1028.
13. Juliette Azoulai, L’Âme et le corps chez Flaubert. Une ontologie simple, Classiques Garnier, 2014, p. 421.
14. Madame Bovary, édition établie par Jeanne Bem, Gustave Flaubert, Œuvres complètes, t. III, 1851-1862, édition publiée sous la direction de Claudine Gothot-Mersch, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2013, p. 379. Dorénavant l’édition sera citée par l’abréviation M.B.
15. Madame Bovary, partie I, chap. 7 : Premières désillusions d'Emma - brouillons, vol. 1, folio 170. http://www.bovary.fr/folio_visu.php?folio=1334.
16. Michel Brenet (pseud.), « Amusie », Dictionnaire pratique et historique de la musique, Armand Colin, 1926.
17. M.B., p. 406.
18. M.B., p. 182.
19. On pense à la description qui sera donnée de la romance du harpiste dans l’incipit de L’Éducation sentimentale : « c’était une romance orientale où il était question de poignards, de fleurs et d’étoiles », L’Éducation sentimentale [1869], édition établie par Stéphanie Dord-Crouslé, Flammarion, « GF », 2001, p. 54.
20. Définitif autographe, folio 75. http://www.bovary.fr/folio_visu.php?folio=989.
21. Du point de vue grammatical, l’ambiguïté est la même que dans un syntagme comme « la peur des ennemis ». Soit les ennemis ont peur (génitif subjectif) soit on a peur des ennemis (génitif objectif).
22. Peter Szendy, Tubes. La Philosophie dans le juke-box, Les Éditions de Minuit, Paradoxe, 2008, p. 24.
23. M.B., p. 349.
24. À ce sujet, lire l’article de Graham Daniels, « Emma Bovary’s opera - Flaubert, Scott and Donizetti », French studies, vol. 32, n°3, 1978 ; ainsi que l’article qui confronte les destins croisés d’Emma et Lucie : Joël-Marie Fauquet, « Emma et Lucia », L’Avant-Scène opéra, n°223, Lucia di Lammermoor de Donizetti, 2001, p. 112-113.
25. Alan Raitt, Flaubert et le théâtre, Bern, Peter Lang, 1999, p. 166.
26. Peter Szendy, Écoute. Une histoire de nos oreilles, Les Éditions de Minuit, Paradoxe, 2001, p. 137.
27. M.B., p. 347.
28. M.B., p. 348.
29. M.B., p. 349.
30. M.B., p. 313.
31. M.B., p. 349.
32. M.B., p. 351.
33. « Il se trouve que les oreilles n’ont pas de paupières » est le titre du « IIe Traité » que l’on trouve dans Pascal Quignard, La Haine de la musique [1996], Gallimard, Folio, 1997, p. 105-136.
34. M.B., p. 348.
35. Lettre à Louise Colet, 12 avril 1854, Corr., t. II, p. 548.
36. M.B., p. 400.
37. Lettre à Louise Colet, 29 janvier 1854, Corr., t. II, p. 518.
38. Walter Benjamin, L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée, Écrits français, Gallimard, 1991, p. 142.
39. Rossana Dalmonte, « Le piano au XIXe siècle », dans Musiques. Une encyclopédie pour le XXIe siècle, vol. 4, Jean- Jacques Nattiez (dir.), Arles, Actes Sud/ Cité de la Musique, 2006, p. 1154.
40. Jacques Rancière, Politique de la littérature, Galilée, 2007, p. 63. À ce sujet, voir notre article « Le bovarysme à l’épreuve de la musique », Fabula-LhT, n° 9, « Après le bovarysme », mars 2012, URL : http://www.fabula.org/lht/5/in- dex.php?id=336, page consultée le 07 février 2021.
41. M.B., p. 206.
42. Brouillon de Madame Bovary, vol. 3, folio 5v. http://www.bovary.fr/folio_visu.php?folio=416.
43. Cité par Peter Szendy, Écoute, op. cit., p. 93.
44. Ibid., p. 93-94.
45. Ibid., p. 96.
46. On rappelle que Madame Bovary, sous-titré « Mœurs de province », a été jugé pour outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs.
47. Eugène Bonnemère (1813-1893), Histoire des paysans, depuis la fin du Moyen Âge jusqu’à nos jours, 1200-1850, Chamerot, 1856. Cité par Sophie-Anne Leterrier, « Musique populaire et musique savante au XIXe siècle. Du “peuple” au “public” », Revue d’histoire du XIXe siècle, 1999-19, Aspects de la production culturelle au XIXe siècle, [En ligne.] http://rh19.revues.org/document157.html.
48. M.B., p. 352.
49. Maurice Agulhon, « Le problème de la culture populaire en France autour de 1848 », Romantisme, 1975, no 9, p. 54.
50. Isabelle Daunais, « Le roman d’un monde pictural », dans Gisèle Séginger, Flaubert et la peinture, op.cit., p. 75.
51. Id.